Choisir en toute conscience de ralentir dans une société où on court sans cesse après le temps est une décision qui n’est pas toujours aisée, mais qui peut permettre de mieux profiter de la vie. On en discute avec Isabelle Létourneau, chargée du projet Ralentir à l’Association pour la santé publique du Québec.
Q
Qu’est-ce que ça signifie, ralentir?
R

Ça implique de se concentrer sur ce qu’on fait, de prêter attention à la personne avec qui on parle ou avec qui on partage un moment, plutôt que de constamment se connecter à notre cellulaire ou à notre ordinateur. C’est faire une seule tâche à la fois au lieu de sauter de l’une à l’autre sans vraiment se consacrer à aucune.

C’est cesser de penser que tout est urgent et qu’il faut aller vite au travail, vite à l’épicerie, vite à la maison. C’est aussi cesser de penser qu’il faut toujours en faire plus ou toujours en avoir plus. Plus de boulot, plus de loisirs organisés, plus de vêtements, plus de gadgets.

Ça ne veut pas dire que tout le monde doit se transformer en escargot! Il s’agit plutôt de trouver la bonne vitesse pour soi, pour son bien-être et celui de la planète.

Q
Pourquoi devrait-on ralentir?
R

C’est une bonne question. Beaucoup de personnes se disent: «Est-ce qu’on souhaite vraiment diminuer sa productivité?» ou «Pourquoi laisser de côté notre liste de choses à faire? Elle ne fera que s’allonger.»

Ça peut effectivement sembler contre-intuitif, mais ralentir peut être un moyen plus rapide d’atteindre nos objectifs. Comme aime le répéter mon fils de 22 ans à son petit frère de 10 ans: «Prends ton temps, ça va aller plus vite.» Lutter contre notre envie de vivre et de travailler plus vite et de consommer plus nous aide à prendre de meilleures décisions, à nouer des liens plus profonds avec les gens, à vivre des expériences significatives, tout en améliorant notre bien-être physique et mental. On subit moins de stress, on réduit la surcharge mentale, on délaisse l’automobile (quand c’est possible) pour se rendre à nos rendez-vous à pied ou à vélo, on fait plus de place au sommeil

À la suite de la pandémie, de nombreuses personnes ont remis en question leur rythme de vie habituel et ont expérimenté un certain ralentissement. La pandémie a également entraîné une augmentation du télétravail, ce qui a réduit les déplacements quotidiens et a permis l’émergence de nouvelles façons de vivre. Pensons à toutes les personnes qui ont migré en région pour profiter d’un rythme de vie différent, axé sur la nature et la lenteur (slow living).

Le ralentissement a aussi été associé à la redécouverte de loisirs et à la réévaluation des priorités en matière de consommation. Beaucoup d’individus et d’entreprises souhaiteraient conserver les acquis de la pandémie et repenser notre rythme de vie en fonction d’une santé durable. Selon un sondage omnibus, 54 % des Québécois et Québécoises – plus de la moitié! – aimeraient ralentir leur rythme de vie. Chez les parents et les étudiants et étudiantes, c’est encore plus!

Le projet Ralentir, dont je m’occupe, vise justement à informer et à sensibiliser les gens sur les effets néfastes de la vitesse sur notre santé physique, mentale et sociale et celle de la planète.

Q
Quelles sont vos stratégies pour ralentir?
R

Il existe plusieurs façons de mettre la pédale douce dans toutes les sphères de notre vie, mais c’est à chaque personne de trouver les façons qui lui conviennent. Voici 8 stratégies pour ralentir que je mets en pratique.

1. S’écouter

Une des meilleures façons de ralentir notre rythme de vie est de nous écouter. Notre corps envoie des signaux en permanence à notre cerveau, lui indiquant ce dont on a besoin. Parfois, on a besoin de manger. Parfois, c’est d’une bonne sieste qu’on a besoin. D’autres fois, c’est de siroter son café à l’extérieur ou simplement de ne rien faire.

Si on est à bout de nerfs et qu’on n’arrive pas à comprendre pourquoi, il se peut que notre corps soit en train de nous dire clairement qu’il est temps de ralentir.

2. Respirer

Quand on sent que le stress monte, on prend une pause et on respire profondément. On essaie de vraiment sentir l’air entrer dans notre corps et le stress en sortir. En se concentrant sur chaque respiration, on revient au présent et on ralentit.

3. Apprendre à dire non

Si on a l’habitude d’aider les autres, on sait à quel point il peut être difficile de dire non. Mais si on essaie de comprendre comment ralentir et se détendre, dire non est une compétence qu’on doit développer.

Il faut être capable de se fixer des limites et de gérer notre temps de manière responsable. Ça signifie qu’on doit se laisser suffisamment de temps pour se reposer et se détendre.

Il est tout à fait acceptable – et même souhaitable – de donner un coup de main quand ça s’inscrit dans notre emploi du temps, mais ça ne doit pas devenir une source de stress.

4. Faire moins de choses

C’est difficile de ralentir quand on essaie d’accomplir plein de choses en même temps. À la place, on peut décider d’en faire moins. Se concentrer sur ce qui est vraiment important, ce qui doit absolument être fait. On laisse le reste de côté.

On apprend aussi à laisser un laps de temps entre nos différents dossiers et nos réunions, entre nos tâches à la maison et nos activités familiales, pour que les journées se déroulent à un rythme moins essoufflant.

5. Être dans le moment présent

Quand nos pensées se tournent vers une tâche à accomplir, quelque chose qui s’est déjà produit ou quelque chose qui pourrait arriver, on ramène doucement notre attention sur le moment présent.

On se concentre sur les événements qui se déroulent dans l’instant présent, que ce soit nos actions, notre environnement ou les personnes autour de nous. Cette pratique demande de la patience, mais elle aide à ralentir.

6. Se déconnecter

Si on se promène avec notre cellulaire, on l’éteint. On apprend même à le laisser derrière nous quand c’est possible. On n’a pas toujours besoin de notre téléphone pour aller acheter une pinte de lait, regarder un film ou se promener au parc.

Si on travaille sur un ordinateur la majeure partie de la journée, on prévoit des moments sans écran pour pouvoir se concentrer sur autre chose. Vivre dans un état de connexion permanente fait en sorte qu’on subit des interruptions et du stress provenant des demandes qui nous parviennent.

C’est aussi important de laisser nos écrans de côté au moins une heure avant notre coucher pour favoriser notre sommeil. On se plaint souvent de manquer de sommeil, et c’est souvent là qu’on coupe pour caser toutes nos activités. Pourtant, un bon sommeil est essentiel à notre santé. Et puis dormir, c’est ralentir!

7. Délaisser le mode multitâche

Au travail, beaucoup de personnes parlent du mode multitâche comme s’il s’agissait d’une compétence, mais quand on fait plusieurs choses à la fois, on n’est jamais en mesure de se concentrer véritablement sur ce qu’on essaie de faire. Il faut une quantité d’énergie surprenante pour passer d’une tâche à l’autre et travailler sur plusieurs choses à la fois.

Au lieu de pratiquer le mode multitâche, on se concentre sur une seule chose à la fois. Ça permet d’être plus efficace. À la maison, lorsque c’est possible, la même stratégie est aussi gagnante pour profiter pleinement de chaque activité.

8. Passer du temps dans la nature

Notre santé physique et mentale s’améliore quand on passe régulièrement du temps à l’extérieur. Le simple fait d’ouvrir une fenêtre et de respirer de l’air frais est bénéfique.

On prend aussi le temps de faire un pique-nique dans un parc, de s’asseoir au bord d’un lac ou de marcher en forêt. Renouer avec la nature peut nous aider à retrouver l’équilibre et à apprécier le moment présent.

Merci à Isabelle Létourneau, chargée du projet Ralentir à l’Association pour la santé publique du Québec, pour sa collaboration à cet article.

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