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Comment prévenir l’épuisement professionnel

17 octobre 2023

Nathalie Parent

Nathalie Parent

psychologue

Temps de lecture 4 minutes
L’épuisement professionnel, l’anxiété et la dépression représentent de 30 à 50 % des absences de longue durée au travail1. Les entreprises perdent chaque année 20 milliards de dollars pour des problèmes liés à la santé mentale des membres de leur personnel. Ces statistiques semblent alarmantes, n’est-ce pas? Découvrez les conseils de la psychologue Nathalie Parent pour prévenir l’épuisement.

L’épuisement professionnel, c’est quoi?

Communément appelé burnout, l’épuisement professionnel se caractérise par «un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail» selon l’Organisation mondiale de la Santé. L’épuisement professionnel n’est pas répertorié en tant que maladie mentale, ne figurant pas dans le manuel diagnostic des troubles mentaux (DSM IV). Il entre plutôt dans la catégorie des troubles d’adaptation. Et quand on parle d’adaptation, on parle aussi de stratégies d’adaptation dans un contexte donné.

Sachez qu’un continuum existe entre la fatigue (mentale et physique) et l’épuisement professionnel. Regardons donc ensemble ce qu’est la fatigue (mentale et physique) afin de la comprendre et de se donner en amont des moyens de prévenir l’épuisement. Dans le texte qui suit, les deux types de fatigues sont décortiqués afin de faciliter la compréhension, mais retenez qu’ils sont interreliés, tout comme le corps, les pensées et les émotions.

La fatigue mentale

La fatigue mentale est l’accumulation de préoccupations qui prennent toute la place. Elle est communément appelée «charge mentale». La fatigue mentale peut également trouver ses origines dans une surstimulation du cerveau: trop de stimuli (écrans, informations, mouvements autour de soi, bruits, etc.) sans temps de repos (cerveau sans stimulation) ou d’évacuation (activités physiques, détente).

Qui peut ressentir de la fatigue mentale?

Cela arrive souvent chez les personnes qui occupent un poste demandant beaucoup de réflexion sans avoir de temps pour le faire. On entend parfois ces gens dire: «J’ai des gros dossiers, complexes.»

C’est aussi le cas lors des premières semaines ou mois d’un travail qui exige un apprentissage constant. Ou encore dans des activités professionnelles amenant un sentiment de responsabilité qui risque d’occuper les pensées en continu. On pense ici au personnel soignant ou aidant: infirmier ou infirmière, psychologue, médecin, avocat ou avocate, gestionnaire, etc.

Pourtant, ce ne sont pas toutes ces personnes qui ressentiront cette fatigue mentale. Pourquoi? Cela dépend de plusieurs facteurs dont:

  • La personnalité (perfectionniste, par exemple);
  • La perception de la personne à l’égard de ses responsabilités;
  • Le sentiment d’efficacité personnelle en lien avec l’estime de soi;
  • L’histoire de vie (répétition d’une blessure personnelle ou d’un modèle relationnel);
  • Le contexte professionnel (changements, surcharge, structure, exigences);
  • Le soutien social (famille, amis et amies, voisinage, psychologue, médecin, collègues, etc.);
  • Le contexte de vie et les facteurs de stress;
  • Les aptitudes pour la communication;
  • Les stratégies de repos et de ressourcement.

Comment réduire cette fatigue mentale?

Ainsi, pour trouver les stratégies appropriées à sa situation de fatigue mentale, il convient d’identifier les sources de cette fatigue.

La personne perfectionniste aura intérêt à demander un accompagnement extérieur, par exemple un ou une psychologue, afin de l’aider à améliorer la situation, à apprendre à déléguer ou à se fixer des attentes réalistes.

La personne qui commence un emploi pourrait tirer avantage de s’accorder des moments de pause (sans écran) pour son cerveau en surcharge et de trouver des moyens de décrocher. Par exemple, des travaux manuels tels que le jardinage et la cuisine ou des activités sollicitant le corps (marche, danse, vélo…).

Si la source de la fatigue d’une personne provient d’un manque de soutien social, elle pourrait trouver des ressources afin de s’entourer, développer des liens, s’inscrire à des activités pour nouer des amitiés, participer à des ateliers de formation professionnelle ou même former un groupe de partage et de développement professionnel au travail (activités qui, je le constate, procurent un grand bien aux équipes de travail que je supervise comme psychologue consultante).

La fatigue physique

La fatigue physique s’installe quand on va au-delà des capacités du corps. Le corps a ses limites et, quand elles sont dépassées, c’est soit l’épuisement, soit des maux physiques (blessures, virus, manifestation corporelle) qui peuvent se produire.

Qui peut ressentir de la fatigue physique?

C’est fréquent de voir les gens hyperperformants arriver en épuisement au mitan de la vie. Les mécanismes mis en place pour s’adapter à court terme et tenter de garder l’équilibre (évitement, hyperactivité, déplacement, compensation, compulsion, etc.) vont perdre en efficacité, et le corps va tomber de fatigue avec l’accumulation.

Ici, tout comme dans la fatigue mentale, d’autres facteurs viennent influencer cette possible fatigue physique, dont:

  • l’accumulation d’un manque de sommeil ainsi que de temps de repos accordé;
  • la difficulté à réguler les émotions;
  • le contexte professionnel (changements, surcharge, structure, exigences)
  • des problèmes de communication;
  • l’accumulation d’événements stressants et l’état de stress chronique;
  • la résurgence d’un traumatisme ou un trauma actuel;
  • le manque de soutien social.

Comment réduire cette fatigue physique?

Pour reconnaître la fatigue physique, il faut rester à l’écoute des signaux de son corps et savoir nommer ce qu’on ressent. Prendre des moments de pause sans rien faire d’autre qu’être seul avec soi-même et respirer profondément peut être salvateur. Certains exercices de pleine conscience peuvent aussi aider, dont le «scan du corps», qui permet de ressentir chaque partie du corps.

Voici quelques questions utiles à se poser durant ces moments de pause ou de bilan:

  • Est-ce que je cherche à fuir quelque chose dans mon hyperactivation (sentiment ou émotion désagréable, situation difficile, deuil, crise existentielle, etc.)?
  • Est-ce que je m’active autant pour combler un des besoins suivants? Le besoin d’avoir un contrôle sur ma vie, de sentir que je fais preuve de compétence, d’être en compétition ou de me sentir le meilleur ou la meilleure.

Agir avant d’atteindre l’épuisement

Notre corps nous parle et il faut apprendre à l’écouter! Les signes de fatigue physique ou mentale que notre corps nous envoie peuvent être un point de départ pour analyser notre situation et faire les ajustements nécessaires. Autant au travail que dans sa vie personnelle et relationnelle. Accordez-vous du temps de réflexion en solo. La réflexion peut aussi se faire avec d’autres, par exemple en échangeant avec une personne en qui vous avez confiance pour vous aider à voir clair dans cette fatigue dès le début du continuum, avant de vous retrouver à l’autre bout!

Certaines personnes ont toutefois de la difficulté à reconnaître ces signaux. C’est un travail que je fais auprès des gens que je rencontre en thérapie ou lors de formation en groupe, mais qui peut aussi se réaliser par le biais de différentes approches corporelles ou avec l’aide d’un professionnel ou d’une professionnelle de la santé qui le favorise: méditation, massothérapie, yoga, pleine conscience, physiothérapie, ostéopathie, acupuncture.


Merci à Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière, pour la rédaction de cet article.


Source
1. Smetanin, P., Stiff, D., Briante, C., Adair, C. E., Ahmad, S. et Khan, M. (2011). The life and economic impact of major mental illnesses in Canada: 2011 to 2041. RiskAnalytica, pour la Commission de la santé mentale du Canada.
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