Demain, c’est ma grosse journée, j’ai beaucoup à faire et je ne dois surtout rien oublier, il ne faut surtout pas que j’arrive en retard, j’espère que la circulation ne sera pas trop au ralenti, à moins que je parte plus tôt… oh! il y a aussi mon dossier à préparer avant… C’est vrai, j’oubliais le courriel de M. X à répondre…
Zut! pas déjà trois heures! Il faut que je me rendorme si je veux être en forme demain. Allez, Audrey, dort, pas d’insomnie cette nuit, ce n’est pas le bon moment! On dirait que ça fait exprès, tout arrive en même temps. Les besoins de la famille, maman qui doit passer une batterie de tests médicaux, sans compter beau-papa que je dois accompagner à son évaluation, l’anniversaire à préparer…
Oh! non, pas déjà quatre heures! J’avais un rappel sur mon écran d’appeler pour les rendez-vous de l’optométriste et aussi le dentiste. Et pour mon épaule, il faudrait bien que j’appelle la physio. Quand est-ce que je vais avoir le temps de préparer le potage et essayer la recette santé que je prévoyais…
Bon, cinq heures, ça ne sert à rien de rester couchée à tourner tout dans ma tête: je vais aller faire mon dossier! À moins que j’aille voir si j’ai des «likes» sur mon dernier «post»…
Qu’est-ce que la charge mentale?
La charge mentale aurait été définie pour la première fois en 1984 par le fait de devoir penser simultanément à des choses appartenant à deux mondes séparés physiquement. Par exemple, la femme au travail qui pense à ce qu’elle doit faire le soir en rentrant.
Aurélia Schneider, psychiatre et auteure du livre La charge mentale des femmes, détaille: «C’est plus que cela, car la personne est envahie par ces pensées dans un autre lieu que celui où elle se trouve physiquement.»
Selon la chercheuse Nicole Brais, de l’Université Laval, il s’agit d’un «travail de gestion, d’organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectif la satisfaction des besoins de chacun et le bon déroulement du quotidien.»
La charge mentale est-elle innée ou acquise?
Comme on peut le constater, le terme existe depuis un moment déjà. Mais cet état est-il une transmission intergénérationnelle ou génétique ou encore provient-il d’un contexte social? C’est un peu tout cela. Réfléchir à ces aspects peut vous aider à trouver les moyens les plus appropriés de vous libérer de cette charge mentale. Par exemple, si je réalise que je me suis créé une image idéalisée de ma mère ou de ma grand-mère qui faisait tout, je pourrais par la suite voir à quel prix ces femmes faisaient tout et que ce n’est pas nécessairement le meilleur chemin à suivre pour moi. Puis, en échangeant avec d’autres femmes, je pourrais trouver ce qui me convient à moi, dans mon contexte de vie actuel et avec ma personnalité.
Des questions à se poser sur sa charge mentale
Depuis quand est-ce que je ressens cette pression?
- Si je reproduis un système familial, sans me différencier ni me permettre de faire autrement que les femmes qui m’ont précédée, il sera soutenant d’en prendre conscience dans une démarche visant à choisir autrement.
- Si c’est depuis que je suis toute jeune que je pense ainsi à tout, que je me suis en partie définie par cette manière d’être, il faudra trouver ce qui peut me définir autrement.
- Si c’est dans la dynamique ou l’évolution de mon couple, il sera aidant d’en discuter avec l’autre afin de trouver ensemble comment fonctionner autrement. On peut aussi obtenir un avis professionnel si nécessaire en vue d’une modification.
- Si c’est depuis que je m’occupe de mon parent vieillissant ou d’un enfant malade, il y a peut-être lieu de me questionner sur les émotions que cela me fait vivre. Peut-être que la charge mentale qui m’envahit me permet d’éviter une émotion tout aussi désagréable telles l’angoisse liée au vieillissement ou à la mort, la peur face à l’avenir, la crainte de perdre, etc.
- Si c’est au point de vue des émotions, cela peut être un sentiment de responsabilité ou de culpabilité omniprésent qui me pousse à tout prendre sur mes épaules, à chercher et à trouver des solutions pour tout et pour les autres.
Est-ce que ma charge mentale cache un besoin?
- Parfois, la charge mentale provient d’un besoin de maternage ou encore d’un manque à combler qui me pousse à en prendre beaucoup sur mes épaules.
- Elle camoufle peut-être un désir de me sentir bonne ou d’exister pour les autres, d’être vue par l’autre?
- Elle est peut-être également liée à un besoin de contrôle?
- Le sentiment de charge mentale peut aussi signifier un besoin de repos, de «décrochage» du quotidien, de prise de contact avec soi et les émotions.
Est-ce lié à ma personnalité?
- Est-ce que gérer, organiser, structurer, planifier sont dans mes forces? Si c’est le cas, il se peut que se soit installé dans le couple, la vie de famille, le travail ou en amitié une dynamique relationnelle dans laquelle je me surcharge et j’en viens à être frustrée de cette surcharge.
- Est-ce que cela vient d’un côté perfectionniste ou obsessionnel? Je cherche peut-être à ce que tout soit parfait ou fait à ma manière et tant que ce ne l’est pas, je suis habitée par tout ce qui est à faire.
- Est-ce mon côté compétitif? Toujours se comparer aux autres femmes à la hausse ou à la baisse ou à travers les médias sociaux peut amener beaucoup de pression mentale inutile.
10 trucs pour aider à diminuer la charge mentale
Après s’être posé des questions pour comprendre de quoi parle cette charge mentale, regardons quelques éléments à appliquer afin de réduire cette pression.
- Apprendre à déléguer et à faire confiance et vérifier ce qui peut être partagé sur le plan mental, pas juste physiquement: «Pourrais-tu prendre en charge les rendez-vous des enfants sans que j’aie à y penser et on s’en parle par la suite?», «Pourrais-tu t’occuper des finances de maman, moi, je prendrai en charge l’aspect médical, et on se fera des bilans?».
- Accepter que ce ne soit pas fait de la même façon que soi.
- Oser s’exprimer, communiquer ce qu’il y a dans sa tête: votre partenaire de vie et vos collègues peuvent être surpris de tout ce qui vous habite.
- Dresser des listes et les communiquer aux collègues ou aux membres de la famille afin de voir ce qu’il y a à penser et à faire et comment répartir les tâches.
- Favoriser son sommeil: se garder un cahier d’écriture près de soi pour se libérer l’esprit, tenir l’écran éloigné.
- Se ramener à soi lorsqu’on se compare. Se comparer et vouloir bien faire est humain. Mais cela peut me nuire et faire en sorte que je veuille en faire plus et me surcharger. Quand je me surprends à me comparer aux autres, je me ramène à mes besoins, à mes capacités au moment présent. Et quand la coupe est pleine, cela risque de déborder si je m’en ajoute. Si c’est difficile de se ramener à soi, on peut prendre une pause des réseaux sociaux.
- Parler avec des amis de ce qu’on vit: cela fait du bien de voir qu’on n’est pas seule à vivre ce qu’on vit. Et on peut étonnamment trouver d’autres solutions qui nous conviennent.
- Sortir du quotidien, se changer les idées, faire des choses qu’on aime: cela permet de faire du bien à son cerveau et prendre du recul afin de relativiser les exigences qu’on se met.
- Reconnaître ses limites, ses frustrations et prendre conscience qu’un humain ne peut pas tout faire.
- S’accorder du temps de pause, de réflexion et de contact avec son état interne afin d’éviter la surcharge mentale le soir ou la nuit venue.
Comme le dit si bien ce vieux proverbe français: «À l’impossible, nul n’est tenu!». Faisons avec nos limites (de temps, d’obligations, de choses à faire) et respectons-les. Vous êtes de celles qui tendent à penser aux autres avant elles-mêmes? N’oubliez pas de tenir compte de vous, de vos besoins, de votre bien-être à travers les autres et tout le reste!
Merci à Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière, pour la rédaction de cet article.