J’étudiais en psychologie et j’aimais vraiment ça. Puis, à la fin de mon bac, j’ai trouvé un emploi d’été à l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM). J’étais fasciné par le travail des médecins là-bas. J’ai quand même fait ma maîtrise en psychologie, puis je me suis inscrit en médecine à l’Université de Sherbrooke, et j’ai fait ma résidence en cardiologie à l’Université de Montréal.
Je suis allé terminer ma formation à l’Université de Stanford, en Californie. J’ai choisi cette université parce qu’elle avait un programme sur l’exercice et ses effets bénéfiques sur les maladies du cœur. C’était un sujet qui m’intéressait beaucoup. Il y avait aussi un programme de recherche sur l’alimentation et les maladies cardiovasculaires. Mais je vous dis que je me suis fait regarder d’un drôle d’air la première journée à la cafétéria avec mon sandwich au jambon et mon Coke! Là-bas, tout le monde était végétarien, faisait de l’exercice tous les jours, et personne ne fumait! Ce fut toute une immersion dans les bonnes habitudes de vie!
C’était un gros contraste avec Montréal. À cette époque, en 1984, 45 % des adultes fumaient. Et le végétarisme n’était pas encore à la mode! À mon retour à l’ICM, je voulais qu’on instaure une loi antitabac dans les hôpitaux, qu’on offre des menus plus sains à la cafétéria, qu’on change les machines distributrices qui ne contenaient que des produits ultratransformés, etc. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais on a fait du chemin depuis, et je suis heureux d’avoir participé à ces changements, entre autres avec le Centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal.
Mes patients qui changent leurs habitudes de vie me disent tous après quelques mois qu’ils n’ont jamais été aussi bien, non seulement dans leur corps, mais aussi dans leur tête. Faire de l’exercice, c’est bon pour le corps, pour l’esprit. Bien manger permet de se sentir mieux, de gérer son poids. On profite davantage de la vie quand on est en forme!
On estime que 80 % des maladies cardiovasculaires prématurées et des cas de diabète de type 2 pourraient être évités si les gens adoptaient de saines habitudes de vie. Et plus du tiers des cancers pourraient être prévenus! Aucune pilule n’a un aussi grand taux de succès. Changer ses habitudes de vie, ça peut faire des miracles. On peut même renverser certaines maladies, comme le diabète de type 2.
Si on avait une seule habitude à changer, ce serait l’abandon du tabac. C’est une habitude dont il est difficile de se défaire, j’en suis conscient. Mais les bienfaits pour la santé se font sentir très rapidement après l’abandon.
Faire de l’activité physique régulièrement permet de prévenir plusieurs maladies chroniques, comme les maladies du cœur et le diabète de type 2, et aide à réduire le stress. Après quelques semaines, on ressent déjà moins d’essoufflement, on a plus de facilité à exécuter certains mouvements, on a plus d’énergie, un meilleur sommeil. Aussi peu que 15 minutes de marche par jour peut faire une grande différence!
Bien manger joue aussi un grand rôle dans le bien-être. Moi, j’ai opté pour le végétarisme. Sans aller aussi loin, on peut privilégier l’alimentation de type méditerranéen, qui met l’accent sur certains aliments comme les végétaux, les grains entiers, les légumineuses, le poisson et l’huile d’olive.
Les mentalités sont en train d’évoluer. Une de mes filles est végane, et tout son groupe d’amies aussi. Les gars de leur entourage sont plutôt carnivores, mais à leur contact, ils tendent à manger moins de viande. S’ils veulent avoir du succès auprès des filles, c’est la chose à faire! (Rires)
Oui. Par exemple, c’est important de ne pas rester assis de longues heures d’affilée. La sédentarité accroît le risque de développer ou d’aggraver des maladies chroniques. On fait donc des minipauses actives tout au long de la journée: on marche pendant une minute, on parle au téléphone debout, on va boire un verre d’eau ou on fait une tâche ménagère si on est en télétravail.
La gestion du stress, c’est primordial. Le stress, c’est le problème numéro un des patients. Ça peut être à cause du travail, des enfants, du couple, de l’argent, du manque de temps… Or, on sait que le stress est un facteur de risque pour les maladies cardiaques. C’est pour ça qu’on a commencé à donner des ateliers de gestion du stress basés sur la pleine conscience au Centre ÉPIC. On avait essayé tout le reste, et ça ne fonctionnait pas. Moi, la méditation a changé ma vie. Ça aide vraiment à réduire les symptômes du stress. Si on veut avoir des bienfaits, il faut la pratiquer tous les jours, ne serait-ce qu’une dizaine de minutes. Idéalement, on vise une demi-heure. C’est quand on est occupé que c’est le plus difficile, mais c’est aussi là que c’est le plus utile.
Pour ma part, j’aime bien méditer en groupe, mais ce n’est souvent pas possible. On peut très bien le faire seul, avec des méditations guidées sur une application ou sur YouTube. C’est ce que je fais. J’en choisis une selon le temps que j’ai et je m’installe.
En prévention, on a beaucoup mis l’accent sur les interdictions: il faut arrêter de fumer, il ne faut pas manger trop de viande, il faut éviter le sucre, etc. Les gens avaient l’impression qu’il fallait arrêter tout ce qui était l’fun.
C’est pour ça que j’essaie de miser sur le plaisir. Aucun de mes patients ne m’a déjà dit que manger méditerranéen, c’était plate. C’est sûr que ça change des gigots d’agneau et des patates, mais l’alimentation méditerranéenne est très variée et très goûteuse. Une fois qu’on a essayé quelques recettes, on en est convaincu.
Je reconnais par contre que l’exercice physique, ça demande un effort constant. Si on se dit: «Ah, après je vais être content, je vais prendre une bonne douche et je vais me sentir bien», ça ne suffit pas pour se motiver. C’est pour cette raison que je conseille de choisir une activité qui nous apporte une satisfaction immédiate quand on la fait. C’est vraiment important. Par exemple, je vais courir dans un parc, près de chez moi, ce qui me permet d’admirer la nature en même temps.
Au Canada, l’espérance de vie pour les femmes est de 82 ans, mais l’espérance de vie en santé est de 72 ans. Pour les hommes, l’espérance de vie est de 79 ans, mais l’espérance de vie en santé est de 69 ans. Ça fait tout de même une dizaine d’années à vivre avec une condition médicale… La prévention, ça sert à ça: diminuer le temps d’invalidité en fin de vie. Les maladies chroniques ne sont pas une fatalité. Il est possible, en apportant quelques changements à notre quotidien, de vivre en bonne santé plus longtemps. Et il n’est jamais trop tard pour s’y mettre!
Merci au Dr Martin Juneau, cardiologue à l’Institut de Cardiologie de Montréal et directeur scientifique de Capsana, initiatrice de TOUGO, pour sa collaboration à cet article.