Pendant ma formation, dans les années 90, une étude a mis en lumière l’importance de l’apnée du sommeil. Elle révélait que de nombreuses personnes en bonne santé en souffraient, même si elles ne se sentaient pas toutes fatiguées. À cette époque, le sommeil n’était pas vraiment considéré à sa juste valeur en médecine. Mais j’ai vu l’effet considérable de l’apnée sur la santé des personnes qui en souffrent. Ça m’a poussé à me spécialiser dans ce domaine en obtenant une certification aux États-Unis.
L’apnée du sommeil est un trouble du sommeil caractérisé par des interruptions répétées de la respiration pendant qu’on dort. La forme la plus courante est l’apnée obstructive du sommeil. Ce trouble survient lorsque la langue, le fond du palais et les muscles de la gorge se relâchent et bloquent les voies respiratoires supérieures, empêchant l’air de circuler librement.
Les interruptions de la respiration, complètes ou partielles, durent au moins 10 secondes et peuvent atteindre 2 minutes dans les cas extrêmes. Elles se répètent de 5 à 30 fois par heure, voire plus. Chez certaines personnes, ça peut aller jusqu’à 90 fois! Ces interruptions entraînent une baisse de l’oxygène dans le sang et perturbent le sommeil, ce qui peut avoir des conséquences graves sur la santé à long terme.
Les partenaires de vie sont souvent les premières personnes à remarquer la présence de ronflements forts et de pauses dans la respiration. Ces signes devraient encourager une visite médicale.
D’autres personnes présentent des symptômes qui affectent directement leur qualité de vie. On parle entre autres de maux de tête matinaux ou d’une fatigue persistante qui se manifeste par un manque d’énergie et des difficultés de concentration et de productivité. Ces sérieux symptômes peuvent motiver une consultation pour explorer des causes telles que l’apnée du sommeil.
Un troisième motif de consultation, bien que moins fréquent, est la somnolence pendant la journée, qui peut mener à des accidents de la route ou du travail.
Enfin, certaines personnes sont orientées vers un ou une spécialiste par leur cardiologue, qui a vu, lors d’un bilan cardiaque, des anomalies susceptibles d’indiquer une apnée du sommeil. On parle par exemple d’irrégularités du rythme cardiaque ou de problèmes de tension artérielle. Ces indicateurs peuvent mener à la réalisation de tests spécifiques pour diagnostiquer une apnée du sommeil.
La méthode la plus simple et la plus fréquemment utilisée consiste à faire un test de sommeil à domicile puisque ces derniers sont de plus en plus précis. Néanmoins, certains cas peuvent passer inaperçus, notamment chez les femmes non obèses. Leur sommeil peut être perturbé avant que le niveau d’oxygène ne chute, ce que les capteurs à domicile ne peuvent pas détecter. Les tests à domicile mesurent principalement la respiration et la circulation, mais pas l’activité cérébrale. On peut alors recommander un test en laboratoire du sommeil.
Même chose quand une personne présente des symptômes typiques de l’apnée du sommeil et que le test à domicile ne donne pas de résultats concluants. Les tests en laboratoire, qui nécessitent généralement de passer une nuit à l’hôpital, permettent de mesurer de manière détaillée différents aspects du sommeil.
L’apnée du sommeil est 2 fois plus fréquente chez les hommes en raison de différences hormonales et anatomiques (dont la grosseur du cou). Mais elle affecte également les femmes, surtout après la ménopause. Les changements hormonaux qui surviennent chez les femmes ménopausées, notamment la diminution des niveaux d’œstrogène, contribuent à relâcher les tissus de la gorge et à augmentent leur risque d’apnée du sommeil.
Les deux grands facteurs prédisposants sont l’âge et le poids. Plus on vieillit, plus les risques augmentent. Et le surpoids, lui, exerce une pression supplémentaire sur les voies respiratoires, en particulier pendant le sommeil. On parle ici d’un IMC de 35 et plus, ou d’un tour de cou de 43,2 cm (17 po) et plus chez les hommes et de 40,6 cm (16 po) et plus chez les femmes.
La fréquence de l’apnée du sommeil est élevée. Les dernières enquêtes montrent qu’environ 29 % des adultes de 45 à 85 ans au Canada souffrent d’apnée du sommeil modérée ou sévère. Un autre quart des adultes de ce groupe d’âge souffre d’apnée légère.
C’est donc en tout plus de la moitié des personnes de 45 à 85 ans qui sont touchées par l’apnée du sommeil, qu’elle soit légère, modérée ou sévère. D’où l’importance de la sensibilisation et du dépistage de cette condition.
Une apnée du sommeil modérée ou sévère non traitée ou mal traitée peut entraîner de graves problèmes de santé comme l’hypertension, les crises cardiaques et les AVC. Elle peut également causer de la fatigue chronique, des maux de tête, des troubles de concentration et une diminution de la qualité de vie. À long terme, ces problèmes peuvent entraîner une dégradation de la santé et augmenter le risque de mortalité.
L’apnée du sommeil peut souvent être améliorée grâce à des changements de style de vie qui contribuent à réduire les symptômes. Voici quelques-unes des mesures préventives les plus efficaces.
Dormir sur le côté
Dormir sur le dos peut faire en sorte que la langue et les tissus mous de la gorge bloquent les voies respiratoires. C’est pourquoi dormir sur le côté est souvent recommandé pour réduire les épisodes d’apnée.
Éviter l’alcool avant le coucher
La consommation d’alcool détend les muscles de la gorge, ce qui peut provoquer ou aggraver l’apnée du sommeil. Il est recommandé d’éviter l’alcool au moins 4 heures avant le coucher pour aider à maintenir les voies respiratoires ouvertes pendant le sommeil.
Faire de l’exercice
L’activité physique régulière améliore la santé cardiovasculaire et peut augmenter la durée et la qualité du sommeil. Elle peut aussi aider à la gestion du poids.
Adopter une bonne hygiène de sommeil
Ça inclut d’établir un horaire régulier de coucher et de lever, de se créer un environnement de sommeil confortable et calme et de limiter son exposition à des écrans lumineux avant de se coucher.
Gérer les autres conditions médicales
Des conditions comme l’hypertension, le diabète et l’obésité peuvent aggraver les symptômes de l’apnée du sommeil. Gérer ces conditions par des traitements appropriés et des changements de style de vie peut donc réduire aussi les symptômes de l’apnée du sommeil.
Maintenir un mode de vie sain
Ça englobe tous les aspects mentionnés précédemment et inclut aussi l’arrêt du tabagisme et la gestion du stress.
J’aborde le sujet en tenant compte des défis individuels auxquels mes patients et patientes peuvent faire face. Je recommande souvent une approche intégrée, incluant la consultation d’un ou une nutritionniste et des techniques de gestion du stress et des émotions. L’objectif est d’aider les personnes souffrant d’apnée du sommeil à faire des changements durables et sains dans leur mode de vie.
Pour les personnes dont le principal symptôme est le ronflement, il existe des orthèses qui repositionnent la mâchoire pour maintenir les voies respiratoires ouvertes.
Pour celles qui souffrent d’apnée du sommeil modérée ou sévère et qui présentent des symptômes de fatigue ou des troubles cardiovasculaires, les traitements incluent l’utilisation de machines à pression positive continue. Ces appareils maintiennent les voies respiratoires ouvertes en fournissant un flux constant d’air pendant le sommeil.
Dans certains cas, des interventions chirurgicales peuvent être nécessaires pour corriger les anomalies structurelles des voies respiratoires. Le choix du traitement dépend de la gravité de l’apnée et des caractéristiques individuelles.
Bien que l’apnée du sommeil soit plus connue aujourd’hui qu’auparavant, beaucoup de personnes en souffrent sans le savoir. Une étude à l’échelle canadienne a révélé que 92 % des personnes présentant des symptômes évidents d’apnée du sommeil n’étaient ni diagnostiquées ni traitées. C’est pourquoi c’est si important d’en parler.
Merci au Dr Marc Baltzan, pneumologue et spécialiste en apnée du sommeil, pour sa collaboration à cet article.
