L’alimentation émotionnelle, c’est quoi?
Manger ses émotions, c’est ce qu’on appelle l’alimentation émotionnelle. Ça consiste à manger pour faire face à nos émotions plutôt que pour répondre à nos signaux de faim. La gamme des émotions pouvant inciter une personne à manger inclut autant des émotions négatives comme le stress, la peur, la colère ou l’ennui que des émotions positives. Contrairement aux croyances, une émotion positive peut également brouiller les signaux de faim et de satiété! Par exemple, un événement heureux en bonne compagnie, comme un anniversaire ou des vacances loin de la maison, pourrait amener certaines personnes à manger davantage.
D’autres personnes souffrent d’alexithymie, le nom scientifique désignant un trouble de régulation des émotions. Moins une personne est apte à reconnaître ses émotions, plus elle est susceptible de manger ses émotions. Les personnes souffrant d’alexithymie pourraient donc souvent manger leurs émotions sans s’en apercevoir.
Comment savoir si vous mangez vos émotions?
- Si vous mangez sans avoir faim, cela pourrait être causé par une émotion, sans même vous en rendre compte sur le coup.
- Si vous mangez à la suite d’un événement qui vous a procuré une émotion, qu’elle soit positive ou négative, pour vous récompenser ou vous réconforter.
- Si vous mangez au-delà de votre faim, c’est-à-dire que vous aviez faim au départ, mais que vous ne savez plus quand vous arrêter de manger parce que vous êtes sous le coup d’une émotion.
Pour savoir si on mange ou non nos émotions, il faut s’observer, porter attention, s’écouter. Il est important de pouvoir reconnaître et nommer les émotions vécues.
Les émotions que vit une personne stressée ou malheureuse, par exemple, peuvent faire en sorte qu’elle soit déconnectée de ses signaux internes qui régulent son apport alimentaire et la faire manger de façon incontrôlée. Ces signaux internes sont appelés la satiété et la faim.
La satiété est un signal du corps qui vous avertit que vous avez atteint votre état de rassasiement et qui se poursuit jusqu’à l’apparition des prochains signaux de la faim. C’est un message que votre corps vous envoie pour vous dire que vous avez comblé le besoin physique de manger.
Une personne qui mange ses émotions n’outre-mangera probablement pas tous les jours ni plusieurs fois par jour, et la quantité d’aliments ingérés ne mènera pas toujours à un inconfort extrême. On peut donc manger ses émotions sans trop manger et sans prise de poids.
Pourquoi certaines personnes mangent-elles leurs émotions?
Une personne qui ne régule pas bien ses émotions, qu’elles soient positives ou non, risque plus de manger sans tenir compte de sa faim ou de sa satiété. Aussi, les personnes qui répriment leurs émotions, comme celles qui ne vivent pas leur tristesse, pourraient tout simplement compenser en mangeant. Pour d’autres, le mécanisme d’adaptation ne passera pas forcément par la nourriture, mais par d’autres habitudes comme l’abus de substances (drogues ou alcool) ou certaines formes de compulsion. Dans tous les cas, ces comportements ne sont pas sains et apportent des effets nuisibles tant sur le plan de la santé physique que de la santé mentale.
Lorsque la compulsion se passe au point de vue alimentaire, cela vient souvent avec une consommation plus grande d’aliments réconfortants et qui font plaisir. Ça permet pendant un bref instant d’apaiser les douleurs et de faire oublier une situation problématique. Vous ne pourrez pas arrêter de manger vos émotions du jour au lendemain sans identifier clairement leur source et travailler à régler la situation.
Meilleur est l’état de votre santé mentale, de votre gestion du stress et de votre état émotionnel, plus le risque de manger vos émotions sera faible.
Manger ses émotions: quels sont les risques?
Une personne qui mange ses émotions consommera souvent plus d’aliments riches en gras ou en sucre. Cette mauvaise habitude alimentaire pourrait augmenter le risque de développer certains problèmes de santé, comme les maladies cardiovasculaires, certains types de cancers ou le diabète de type 2. On peut prévenir ces maladies chroniques par une alimentation saine et équilibrée, entre autres.
Il est toutefois important de mentionner qu’une alimentation équilibrée inclut des aliments «plaisir». C’est la consommation excessive d’aliments, qu’ils soient nutritifs ou pas, dans un contexte émotionnel difficile qui peut devenir problématique pour la santé et qui peut conduire certaines personnes dans une spirale négative amenant une forme de laisser-aller, une baisse de la confiance en soi, une perte de plaisir liée à l’alimentation, de la culpabilité, l’apparition de comportements associés à la culture des diètes et à la privation, etc.
Alimentation émotionnelle ou trouble alimentaire?
Certaines personnes déconnectées de leurs émotions et de leurs signaux de faim et de satiété pourraient développer des troubles de comportement alimentaires, comme l’hyperphagie boulimique. Ces troubles ont des effets négatifs tant sur la santé physique que sur la santé mentale.
Pour distinguer si une personne mange ses émotions ou si elle souffre d’un trouble de comportement alimentaire, il faut évaluer l’intensité des autres symptômes. Une personne qui souffre d’un trouble alimentaire a un problème plus global de santé mentale et manger ses émotions est une des nombreuses manifestations de cette maladie.
4 stratégies efficaces pour arrêter de manger vos émotions
Du côté des habitudes alimentaires, l’alimentation en pleine conscience peut aider à contrer l’alimentation émotionnelle. Cette technique consiste à manger en étant à l’écoute de vos émotions tout en étant présent mentalement lors des repas.
Pour y arriver, voici quelques stratégies à mettre en place.
- Éviter les distractions telles que les écrans (télévision, tablette, ordinateur, téléphone intelligent, etc.).
- Essayer de manger lentement! Le fait de mastiquer plus longtemps vos aliments pourrait diminuer l’alimentation émotionnelle. En effet, ralentir aiderait à être plus à l’écoute de ses sensations de faim et de satiété.
- Tenir un journal alimentaire ou d’émotions. En détaillant à la fois vos émotions et ce que vous mangez, il sera plus facile de faire des rapprochements et d’analyser quelles émotions sont à l’origine d’une trop grande consommation d’aliments.
- Pratiquer la méditation, faire du sport ou adopter la cohérence cardiaque. Le stress est un des facteurs les plus importants dans le fait de manger ses émotions, et ces stratégies peuvent vous aider à diminuer votre niveau de stress et d’anxiété.
Ces solutions sont gratuites et accessibles, alors pourquoi ne pas leur donner une chance?
Sinon, d’autres ressources peuvent vous aider à améliorer votre relation avec les aliments et à apprendre à mieux réguler vos émotions. En voici quelques-unes.
- Anorexie et boulimie Québec: aide et soutien aux personnes touchées par les troubles alimentaires et à leurs proches.
- Maison l’Éclaircie: aide et référence en anorexie et boulimie. La section Ressources liste plusieurs organismes d’aide.
- Ordre des psychologues du Québec: pour trouver de l’aide en psychologie ou en psychothérapie pour vous ou vos proches.
- Programme d’intervention des troubles de conduites alimentaires (PITCA): service offert dans la région de la Capitale-Nationale afin d’aider les personnes souffrant d’anorexie ou de boulimie à retrouver une relation saine avec la nourriture.
En conclusion, le fait de manger vos émotions cache souvent quelque chose qui peut être enfoui beaucoup plus profondément que vous ne le pensiez. Il est important de prendre un moment en solo ou avec un professionnel ou une professionnelle pour creuser et découvrir ce qui est à l’origine du problème afin d’y remédier. Cela peut prendre du temps: manger est devenu une sorte d’échappatoire qui s’est transformé en habitude, et défaire une habitude est toujours un peu plus compliqué, mais possible.
Merci à Hubert Cormier, docteur en nutrition, pour la rédaction de cet article.
