Avec l’aide d’une équipe de recherche à l’Institut de Cardiologie de Montréal, j’ai effectué pour la Sépaq en 2020 une revue de plus de 160 articles scientifiques en lien avec ce sujet. Notre but était de vérifier la validité des études qui suggèrent que la fréquentation des milieux naturels a des bienfaits pour la santé globale. Nous en sommes arrivés à certaines conclusions.
Les bienfaits physiques dont la preuve scientifique a été établie sont:
- une réduction de la fréquence cardiaque;
- une réduction de la pression artérielle;
- une diminution de l’activité nerveuse sympathique (qui prépare l’organisme à l’action);
- une augmentation de l’activité nerveuse parasympathique (qui prépare l’organisme à la relaxation);
- une réduction du niveau de cortisol (qu’on appelle souvent l’hormone du stress).
Parmi les bienfaits psychologiques de l’exposition à la nature qui sont ressortis, on note, à différents niveaux de preuve:
- une réduction de l’anxiété;
- une diminution de la dépression et d’émotions négatives;
- une amélioration de l’humeur;
- une augmentation de la vitalité et une diminution de la fatigue.
Autant pour ce qui est des bienfaits physiologiques que psychologiques, l’exposition à la nature ne guérit pas une maladie, mais elle améliore les symptômes momentanément, ce qui est quand même très positif.
Dès qu’on sort des thérapies pharmacologiques, on ne bénéficie pas toujours de preuves suffisantes qui nous permettent de faire des recommandations solides, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bienfaits réels.
Concernant les bienfaits cognitifs, les quelques études bien faites qui existent suggèrent ces effets favorables:
- Une amélioration de la fonction cognitive;
- Une restauration de l’attention;
- Une réduction de la fatigue mentale et de la confusion.
Avec le vieillissement de la population et la hausse d’incidence de déclin cognitif qui y est associée, nul doute que cet aspect particulier sera davantage étudié au cours des prochaines années.
Je n’ai pas eu de surprise en tant que telle. Je m’attendais à ce qu’on confirme notamment l’effet de bien-être perçu, la diminution du stress. Ça, pour moi, ça avait du sens.
J’ai cependant été étonné par le nombre d’études sur le sujet et la solidité des preuves. J’aimerais travailler sur la façon dont on pourrait donner une plus grande place aux espaces verts en médecine préventive et dans les soins de santé. C’est sûr que les promenades dans la nature ne remplacent pas les traitements médicaux, mais c’est un outil qu’on peut ajouter à notre arsenal, comme bien manger, dormir suffisamment et faire de l’exercice.
On ne sait pas encore précisément ce qui peut expliquer ces bienfaits. Certaines études parlent des phytoncides, ces molécules émises par les arbres qui auraient un effet bénéfique en réduisant le stress et en stimulant le système immunitaire. Mais de combien d’arbres au kilomètre carré avons-nous besoin pour ressentir cet effet? Ça, on ne le sait pas.
Est-ce que ce serait grâce aux sons dans la nature (chants d’oiseaux, ruisseau qui coule, bruissement des feuilles…), qui entraînent davantage la relaxation que les sons de la ville (klaxons, sirènes d’ambulances, etc.), conçus pour nous faire réagir?
Est-ce la lumière naturelle, l’air qui est filtré naturellement par les feuilles? Ou est-ce le fait de retrouver un petit quelque chose de cette relation de symbiose avec la nature que nos ancêtres ont entretenue pendant des millénaires? On ne le sait pas encore avec certitude.
Plus de la moitié de la population mondiale habite dans les centres urbains. Cette proportion pourrait atteindre 66 % d’ici 2050. On se rend compte de plus en plus qu’on devra en savoir davantage sur les effets bénéfiques de l’exposition à la nature et sur les effets négatifs potentiellement entraînés par la vie dans un milieu urbain, sans contact avec la nature. Je pense que c’est pour ça que le nombre de recherches a fait un bond aussi grand depuis quelques années.
Certaines études indiquent que 120 minutes par semaine en séances de 20 à 30 minutes seraient l’idéal à atteindre, là où les bénéfices sont les plus grands. Toutefois, les études sont trop différentes entre elles pour arriver à une réponse vraiment concluante. C’est le défi de toutes les approches qui visent le style de vie.
Des directives précises sont généralement plus efficaces que des suggestions trop vagues. Par exemple, se faire recommander de pratiquer une activité physique à intensité modérée trois fois par semaine est plus clair que se faire tout simplement dire de faire du sport. En nutrition, on nous montre à quoi notre assiette devrait ressembler, par exemple la moitié consacrée aux fruits et légumes. Pour la nature, c’est le genre de précisions qu’on aimerait avoir aussi. Combien de fois doit-on y aller, combien de temps, dans quel type de milieu? Est-ce que marcher dans son jardin, c’est suffisant, ou faut-il aller sur le mont Royal ou dans un parc national?
Ce qu’on peut dire pour le moment, par contre, c’est qu’on soit en contact avec la nature 10, 20 ou 30 minutes par semaine, des bienfaits sont perçus. C’est comme quand une personne sédentaire commence à marcher ne serait-ce que 15 minutes par jour. Elle va voir rapidement des effets positifs sur sa santé et son humeur.
C’est sûr que jumeler les deux, ça peut être gagnant. Si on fait une marche, de la randonnée, du vélo, du kayak, etc., on fait d’une pierre deux coups, compte tenu des bénéfices bien connus de l’activité physique. Mais on peut aussi être en mode relaxation, s’asseoir simplement sur un banc et regarder les arbres qui nous entourent. Ça aussi, ça fait du bien!
Est-ce que les effets sont plus bénéfiques et restaurateurs si nos moments dans la nature se passent dans les réserves naturelles et les habitats protégés, plutôt que dans les espaces verts urbains, moins denses? Intuitivement, j’aurais tendance à dire oui, mais il n’y a pas encore d’études concluantes à cet effet.
Par contre, il faut aussi voir le contexte. Si on se stresse le samedi matin à faire nos bagages et à ramasser notre équipement pour aller faire du vélo au mont Orford parce qu’on veut partir tôt afin d’éviter le trafic, peut-être qu’on aurait avantage à privilégier un milieu naturel plus près de chez nous, même s’il est moins dense. Les parcs et les arbres urbains produisent également des résultats positifs.
Profiter de la nature, c’est plus facile qu’on le pense: on peut faire une courte marche tous les jours, manger notre lunch à l’extérieur, observer les oiseaux, faire du vélo sur une piste cyclable verte, planifier une excursion d’un jour dans un parc national. On devrait profiter des espaces verts et bleus partout où on le peut et chaque fois qu’on le peut. Une merveilleuse façon de prendre du temps pour soi!
Merci au Dr Louis Bherer, neuropsychologue et directeur adjoint scientifique à la Direction de la prévention de l’Institut de Cardiologie de Montréal, pour sa collaboration à cet article.