La pandémie nous a fait vivre bien des changements. Mais tout n’a pas été forcément négatif. L’épreuve que nous avons collectivement traversée a aussi apporté du positif. On en discute avec la psychologue Nathalie Parent.
Q
De nombreuses personnes se plaignent, avec raison, des conséquences de la pandémie. Pourtant, elle n’a pas eu que des effets dévastateurs.
R

Effectivement, on a pu observer chez certains des effets bénéfiques liés à la crise sanitaire. Il ne s’agit pas, bien entendu, de nier les effets négatifs de la pandémie. Et avant de reconnaître que la pandémie a eu de bons côtés, il faut d’abord accepter de s’être senti impuissant, frustré, privé de certaines libertés. Cette crise nous a précipités dans des sentiments que tôt ou tard on est amenés à éprouver: la solitude, la vulnérabilité, l’impuissance… Des émotions avec lesquelles il n’est pas facile de composer, mais qui font partie de la vie. Ensuite, soit on reste dans la colère puis la résignation, soit on se dirige vers la résilience. Et là, on peut voir les effets positifs.

Q
Quels sont ces effets positifs de la pandémie?
R

Il y en a plusieurs. La pandémie nous a notamment permis ce qui suit.

    1. Resserrer les liens familiaux

    L’arrêt de la vie sociale a fait en sorte que les couples et les familles ont enfin eu du temps à partager, et la cohabitation «forcée» a resserré dans plusieurs cas des liens entre frères et sœurs, entre parents et enfants ou entre conjoints. Le ralentissement des activités a été pour certains un vrai soulagement. Je pense entre autres à la course aux activités pour les enfants ou à la période des fêtes, que les gens ont dû passer en bulle familiale. Il y avait bien sûr la tristesse de ne pas voir la famille élargie, mais aussi un certain apaisement à ne pas courir dans la famille de l’un et de l’autre ou à recevoir des invités.

    2. Favoriser les rapprochements relationnels

    Malgré la distanciation sociale et l’isolement qui ont eu cours, beaucoup de gens se sont rapprochés. Nombreux ont été ceux qui, grâce à différentes technologies, sont restés en contact avec leur famille étendue, leurs amis et collègues, prenant de leurs nouvelles régulièrement. Certains ont même renoué le contact avec des amis un peu perdus de vue dans le tourbillon de la vie quotidienne prépandémie.

    3. Redécouvrir la solidarité

    Cette période nous a poussés à être plus humains et à faire preuve de plus d’empathie. Des voisins ont proposé leur aide à des aînés qui ne pouvaient faire leurs courses, des groupes dans lesquels, par exemple, des inconnus offraient leur aide aux personnes à mobilité réduite ou en quarantaine ont aussi vu le jour sur les réseaux sociaux. La grande majorité des gens, y compris nos jeunes, ont suivi les consignes sanitaires pour protéger les plus vulnérables.

    4. Développer notre créativité

    Certaines personnes ont adopté des approches créatives pour animer les soirées en famille ou en couple: repas thématiques avec les enfants ou vêtements chic pour un souper en amoureux même si elles ne sortaient pas de chez elles, apéros sur les balcons ou pique-niques dans les parcs avec des amis en gardant leurs distances, par exemple. D’autres ont redécouvert le tricot, le bricolage, l’art de faire du pain…

    5. Apprécier la nature

    Un des aspects positifs de la pandémie a été de nous faire redécouvrir l’importance de la nature pour notre équilibre et le bonheur tout simple de jouer dehors, été comme hiver, de faire des marches avec le chien, de faire des randonnées, du vélo, etc.

    6. Apprendre à lâcher prise

    Bien des gens ont de la difficulté avec la notion de lâcher-prise, mais en temps de pandémie, on a compris à quel point on n’avait pas le contrôle sur tout. On n’avait d’autre choix que de lâcher prise et de se concentrer sur le moment présent. C’est un bel apprentissage!

    7. Parler davantage de santé mentale

    La crise qu’on a connue a généré des problèmes de santé mentale: anxiété, peur, stress, inquiétude. On a tous été affectés à divers degrés. Ce qui est bien, c’est qu’on en a parlé davantage dans les médias, des campagnes de sensibilisation ont été mises sur pied, des services ont été offerts à la population. C’est comme si la pandémie avait permis de démystifier les troubles de santé mentale et de déstigmatiser ceux qui en souffrent.

    8. Faire le point et se recentrer

    La pandémie nous a poussés à faire de l’introspection qu’on n’aurait pas faite en temps ordinaire. Certaines personnes ont revisité d’anciennes blessures et ont fait la paix avec des traumatismes d’enfance. D’autres ont décidé de consulter un professionnel. Elles y pensaient depuis longtemps, et la pandémie a accéléré leur décision. D’autres encore ont réévalué leur vie: suis-je dans la bonne relation, le bon travail? Faire le point les a aidées à comprendre non seulement ce qu’elles aimaient, mais aussi ce qu’elles voulaient laisser derrière elles.

Q
Ces effets vont-ils durer une fois la pandémie derrière nous pour de bon?
R

J’aimerais bien répondre oui, mais je ne sais pas. Certains effets vont peut-être perdurer dans le temps. Mais le quotidien viendra sans doute à bout d’autres. On se fait vite happer par le retour des obligations de toutes sortes, un rythme de vie plus rapide, si on ne fait pas attention. C’est humain de se faire prendre par ça. C’est pourquoi il est important de s’arrêter régulièrement et de faire des bilans. Ma vie me correspond-elle? Est-ce que je veux vraiment revenir à ma vie d’avant, à la «normale», ou est-ce que je veux que ma vie soit autrement qu’avant la pandémie? Que puis-je faire pour que ça se produise? Quelles habitudes ai-je développées durant la pandémie que j’aimerais garder?

Q
Certains ont plus de difficulté à passer par-dessus les aspects négatifs. Comment les aider?
R

La meilleure façon de les aider est de les écouter. Nommer ses émotions est libérateur. Si on est dans la colère, c’est une bonne idée de prendre du recul. On peut se demander quels sont nos besoins qui ne sont pas satisfaits et, une fois qu’ils sont déterminés, se mettre en action, un pas à la fois. Il ne faut surtout pas se sentir coupable de ne pas bien aller. C’est normal. C’est important de faire preuve d’empathie envers soi-même. Si les choses ne se replacent pas, il faudrait songer à parler à un psychothérapeute.

Merci à la psychologue Nathalie Parent pour sa collaboration à cet article.


© Photo de Kelly Sikkema provenant de Unsplash
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