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Microbiote: la petite vie qui influence notre vie

20 avril 2021

Stéphanie Côté

Stéphanie Côté

Nutritionniste, auteure, conférencière et chroniqueuse

Temps de lecture 5 minutes
Qu’est-ce que le microbiote dont on entend de plus en plus parler? À quoi ça sert? La nutritionniste Stéphanie Côté nous explique son importance et nous révèle les meilleures façons d’en prendre soin.

Le microbiote intestinal et son rôle clé sur la santé

Microbiote: «micro» signifie «petit», et «bio», c’est pour «vie». La petite vie! On se souvient tous de La petite vie, cette série culte pour nous, les Québécois, n’est-ce pas? Un incontournable.

Eh bien, la petite vie qui habite notre intestin est aussi marquante et incontournable. On trouve dans cet organe aux alentours de 100 000 milliards de bactéries, virus, champignons et autres microorganismes. On connaît leur présence dans notre intestin depuis des milliers d’années. Ce qui est révolutionnaire, c’est de comprendre de plus en plus leur effet sur notre santé.

Le microbiote intestinal, qu’on appelait auparavant la flore intestinale, est aujourd’hui considéré comme un système du corps humain, comme le système nerveux ou sanguin. Il est en lien avec tous les organes et joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’organisme.

Les découvertes des dernières années modifient notre approche de la santé. Elles révèlent que la santé autant physique que psychologique est rattachée au microbiote. L’obésité, les maladies cardiovasculaires, les cancers, le diabète, les maladies inflammatoires de l’intestin, les allergies, la dépression. TOUT (ou presque)!

La santé physique et psychologique

Les bactéries présentes dans l’intestin (elles sont grandement majoritaires) produisent toute une variété de substances: des neurotransmetteurs, des vitamines, des gras, des gaz, des molécules pro- ou anti-inflammatoires, etc. Toutes ces substances influencent le fonctionnement des organes dans tout l’organisme et, donc, la santé. Même l’humeur, l’anxiété et le sommeil sont liés au microbiote, puisque de nombreuses substances que produisent les bactéries de notre intestin ressemblent à des hormones et agissent un peu comme elles.

Le système immunitaire

Le microbiote remplit des rôles d’activation, de modulation et de régulation du système immunitaire. Entre autres, les bactéries de l’intestin sont sa garde rapprochée: par leur nombre, elles intimident les envahisseurs. Non seulement les infections telles que le rhume et la gastroentérite, mais aussi les allergies et les maladies inflammatoires de l’intestin seraient liées au microbiote.

Déséquilibre du microbiote: cause ou conséquence des maladies?

La composition d’un microbiote est caractérisée par sa diversité (nombre d’espèces différentes présentes) et sa richesse (nombre total de microorganismes présents). Lorsque cette composition est perturbée (modification de l’un ou de l’autre de ces éléments), l’équilibre est rompu. On appelle ce déséquilibre une dysbiose. Plusieurs facteurs peuvent perturber le microbiote: prise d’antibiotiques et de certains médicaments, infections, alcool, tabac, stress, changements brutaux d’environnement ou d’alimentation. Une dysbiose peut se manifester par de la fatigue, de la diarrhée, de la constipation, des ballonnements, des troubles de la digestion ou un déficit immunitaire. Elle peut aussi être impliquée dans certaines maladies plus sérieuses comme celles énumérées précédemment (diabète, cancer, etc.).

La dysbiose est-elle la cause ou la conséquence des maladies? Il semble y avoir un peu des deux, ou plutôt un cercle vicieux: la composition du microbiote affecte l’état de santé, qui, à son tour, affecte la composition du microbiote. Quoi qu’il en soit, dans bien des cas, le microbiote est un morceau du casse-tête, et on gagne à en prendre soin.

On peut imaginer qu’un jour, notre médecin prendra un échantillon de nos selles pour vérifier la composition de notre microbiote. Ce type d’analyses existe déjà, mais il n’est pas répandu. Il faut dire que le microbiote est un sujet encore très nouveau en santé et que les connaissances et son utilisation dans la pratique évoluent. Quand on sait qu’il se fait notamment des greffes de microbiote, au cours desquelles on transfère les bactéries présentes dans l’intestin d’une personne en santé à une autre malade dans le but de restaurer sa flore intestinale, on réalise que les avenues sont prometteuses.

Gagnant-gagnant!

Les bactéries de notre intestin se nourrissent des aliments que nous mangeons. Elles récupèrent des produits de la digestion qui se rendent à elles. Selon ce qu’on mange, on favorise la croissance de certaines bactéries au détriment d’autres. On gagne donc à manger ce qui fait le bonheur des bonnes bactéries, car prendre soin d’elles, c’est leur permettre de prendre soin de nous en retour.

3 astuces pour favoriser l’équilibre du microbiote

1. Mettre les végétaux à l’honneur

La nourriture préférée des bonnes bactéries: les fibres alimentaires. Pour satisfaire une grande variété de bactéries qui ont chacune leurs préférences, il faut manger une grande variété d’aliments riches en fibres: fruits, légumes, légumineuses, céréales et grains entiers, noix et graines. Un généreux buffet pour tous les goûts! Les fibres se trouvent exclusivement dans les végétaux. Amenez-en! C’est d’ailleurs ce que recommande le Guide alimentaire canadien, où elles occupent les trois quarts de l’assiette.

2. Manger coloré

Pour varier notre alimentation, c’est simple de penser sous l’angle des couleurs. Des fruits et légumes verts, rouges, jaunes, violets, blancs, orangés. Des grains et céréales beiges, noirs, bruns. Des légumineuses noires, vertes, brunes, jaunes, etc. Les couleurs dans les végétaux sont données par des pigments qui sont souvent des molécules intéressantes pour la santé. Il a été démontré que plusieurs composés antioxydants qui en font partie sont bénéfiques pour le microbiote.

Oui, il y a de la place pour la viande et le poisson rouge, rose, blanc, les produits laitiers, les œufs et tous les aliments peu transformés. Les aliments font un travail d’équipe, ils se complètent. La meilleure façon de s’assurer qu’on a tous les talents dans l’équipe, c’est d’y inclure une panoplie de couleurs au fil des jours.

3. Cuisiner plus

En cuisinant, on peut mieux choisir ce qu’on mange. Les aliments hautement transformés du commerce contiennent souvent des ingrédients qu’on n’utilise pas dans la cuisine maison. La quantité et la mauvaise qualité des matières grasses, l’excès de sucre et de sel, la présence de certains additifs alimentaires et de substituts de sucre auraient vraisemblablement un effet négatif sur le microbiote.

Une place pour les probiotiques?

Les probiotiques sont des bactéries ou autres microorganismes qui, lorsqu’ingérés en quantité suffisante, ont des bienfaits prouvés pour notre santé. Avant d’être qualifiés de probiotiques, ils font l’objet d’études scientifiques pour qu’on identifie les sortes de bactéries et détermine leurs effets précis avec des quantités connues.

Les probiotiques sont en général des bactéries concentrées sous forme de suppléments ou ajoutées à des aliments, par exemple à certains yogourts. (Le yogourt de base, qui est du lait fermenté par des bactéries lactiques, n’est pas considéré comme un probiotique.) Ces bonnes bactéries viennent en renfort à celles déjà présentes dans l’intestin, mais elles ne s’y installent pas. Elles sont en visite, et continuent leur route vers la sortie. Leurs effets sont donc temporaires, à moins d’en prendre chaque jour.

Certains suppléments de probiotiques sont utiles dans des situations bien précises, comme la diarrhée du voyageur ou secondaire aux antibiotiques, par exemple. Cela dit, comme ces suppléments coûtent relativement cher et que les bienfaits qui accompagnent la prise à l’année ne sont pas prouvés, en prendre tous les jours peut donner l’impression qu’on met son argent à la toilette.

Et les aliments lactofermentés?

On ne peut pas qualifier de probiotiques toutes les bonnes bactéries ou microorganismes «amis», et encore moins tous les aliments qui en contiennent. Par exemple, les aliments lactofermentés contiennent des bactéries ou des levures intéressantes pour diversifier le microbiote. On ne peut cependant pas les qualifier de probiotiques, car le type et le nombre de microorganismes sont très variables, tout comme leurs potentiels bienfaits. Il y a cependant plusieurs bonnes raisons d’inclure dans son alimentation le kéfir, le kimchi, la choucroute, le kombucha, le tempeh, le miso et le pain au levain. Ce sont des trésors de vitamines, de minéraux, d’antioxydants et, surtout, de saveurs!

Pour aller plus loin

Deux livres écrits par des nutritionnistes québécoises:

  • Stéphanie Côté, La santé par l’intestin, éditions Modus Vivendi, 2020.
  • Andréanne Martin, Pandémies et maladies: se défendre en nourrissant son microbiote, Éditions Pratico-pratiques, 2020.


Merci à Stéphanie Côté, nutritionniste, pour la rédaction de cet article.

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