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Les «bons» et les «mauvais» aliments pour la santé

8 octobre 2024

Stéphanie Côté

Stéphanie Côté

Nutritionniste, auteure, conférencière et chroniqueuse

Temps de lecture 5 minutes
Classer les aliments en «bons» ou «mauvais» est une approche populaire qui semble simple et juste, mais qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé physique et psychologique. Explications de la nutritionniste Stéphanie Côté.

«Soirée spéciale, on mange des cochonneries!»

«J’ai mangé de la salade toute la semaine, là, je me gâte avec un burger et des frites.»

«Je sais que c’est mauvais pour la santé et que je ne devrais pas manger ça, mais c’est si bon au goût!»

«On est en vacances, on mange ce qu’on veut, tout est permis!»

«Mange des fruits pour dessert. C’est bon pour la santé, pas les biscuits.»

Ces affirmations peuvent sembler de banales phrases de tous les jours, mais elles n’en sont pas. Elles véhiculent la croyance qu’il y a de bons et de mauvais aliments. Un concept qui vient de la culture des régimes et qui ne devrait carrément pas exister. Voici pourquoi.

Quels aliments sont «bons» pour la santé? Ça dépend.

Il n’existe pas de critère rationnel, objectif et unique pour classer ou discriminer les aliments.

Bien sûr qu’il y a des aliments plus nourrissants à manger régulièrement pour favoriser sa santé (fruits et légumes, grains entiers, légumineuses, etc.) et d’autres qui ont une place occasionnelle dans l’alimentation (p. ex.: friandises, fast food).

Cela dit, le problème serait de glorifier un aliment en particulier. Il a été démontré que ce sont des groupes d’aliments qui sont plus avantageux sur le plan nutritif, pas des aliments précis et isolés. Le principe de la variété en alimentation a fait ses preuves.

Puis, malgré les données objectives et scientifiques sur les aliments, aucun ne fait l’unanimité, qu’il s’agisse du bœuf, du tofu, du lait, de l’avocat, des pois chiches, de la pomme ou du spaghetti. Pourquoi? Parce qu’il y a plusieurs autres facteurs et critères qui s’ajoutent à la valeur nutritive et qui rendent les aliments plus ou moins désirables ou appropriés pour certaines personnes.

D’abord parce que chaque personne est influencée par ses sources d’information, ses connaissances, ses expériences, son entourage, sa religion et ses valeurs. Nos parents nous ont communiqué leur vision. On lit et on entend des choses dans des magazines, sur le Web ou les médias sociaux, dans le bureau de notre médecin, à la radio, etc. On analyse et on juge les aliments en fonction de nos valeurs. (Est-ce local? éthique? de saison?) Les réponses varient pour tout le monde. Certaines personnes verront le bœuf comme une bonne source de protéines et de fer alors que d’autres penseront aux animaux dont il provient ou aux études qui associent le cancer à sa surconsommation. Certaines personnes parleront de l’avocat comme d’un superaliment tandis que les autres critiqueront sa culture ou la distance qu’il parcourt. Bref, les avis divergent et divergeront toujours.

Ensuite parce que chaque personne est unique. Non seulement nos besoins sont uniques, mais en plus, les aliments ont un effet qui peut varier d’une personne à l’autre. Si on a des allergies, des intolérances ou une condition médicale particulière comme le diabète, un souci cardiovasculaire ou la maladie cœliaque, on le sait trop bien. Certains aliments qui aggravent un problème de santé sont considérés comme «mauvais» pour une personne, mais «bons» pour une autre sans cette condition particulière.

Finalement, les perceptions des aliments peuvent changer avec le temps et avec l’évolution des recherches scientifiques. Par exemple, les œufs ont longtemps été pointés du doigt pour leur teneur en cholestérol, mais on sait désormais qu’ils peuvent faire partie d’une alimentation saine pour la plupart des gens.

Un aliment peut être bon ou mauvais selon la quantité consommée

Aucun aliment ne garantit ou ne gâche la santé à lui seul. On peut prendre le brocoli, les frites et le café en exemple.

Le brocoli est-il bon pour la santé?

Le brocoli contient plusieurs vitamines, des fibres et des composés antioxydants. Mais si on ne mange que ça tous les jours, il n’a aucune chance de combler tous nos besoins.

Les frites sont-elles mauvaises pour la santé?

Quant aux frites, elles sont grasses et salées. Mais mangées une fois ou deux par mois dans une alimentation variée et équilibrée, elles risquent peu d’être dommageables.

Faut-il s’empêcher de boire du café?

Et que dire du café, qui peut être un stimulant et peut réduire la perception de la fatigue à raison d’une ou deux tasses par jour, mais qui risque d’augmenter l’anxiété ou d’empêcher de dormir à plus fortes doses?

Voilà pourquoi il n’y a pas de «bons» ou de «mauvais» aliments à proprement parler. Un aliment peut être «bon» à un certain dosage et «moins bon» à un autre.

Un aliment peut être bon ou mauvais selon le contexte

Il se passe la même chose avec le contexte. Un bol de poké au quinoa et au saumon qui contient plein de légumes et des grains entiers est un bon exemple. C’est naturel et on y trouve des vitamines, des minéraux, des fibres, de bons gras, des protéines, des glucides complexes… Des nutriments qui sont tous bien réputés. MAIS le poisson cru est déconseillé durant la grossesse. Ce fameux bol de poké devient donc un indésirable pour les femmes enceintes.

Voilà aussi pourquoi déclarer un aliment comme étant «naturel», «nutritif» ou «santé» est réducteur et porte à discussion.

Pourquoi ne faut-il pas classer les aliments en «bons» et «mauvais»?

Pour avoir du plaisir à manger

La première raison est que ça «positionne» des aliments comme étant plus désirables. On n’a qu’à penser, par exemple, à ceux classés comme «mauvais», qui sont décrits d’une même voix comme des gâteries. «Les biscuits ne sont pas bons, mais je me gâte.» «Je “triche” avec un burger et des frites, mais je me fais plaisir.» Les aliments dits «mauvais», voire «interdits», sont spéciaux, alors que les «bons» aliments sont ceux qu’on se sent dans l’obligation de manger. C’est beaucoup moins attirant. Ça place le plaisir d’un côté et la santé de l’autre. Comment développer le plaisir de bien manger avec ce fossé entre les deux notions?

Pour réduire le risque de troubles alimentaires

Par ailleurs, classer les aliments en «bons» et «mauvais» peut entraîner des problèmes de comportements alimentaires. Se forcer à éviter les aliments «mauvais» peut contribuer à une relation négative avec la nourriture, voire des troubles alimentaires comme l’orthorexie, qui est l’obsession de manger sainement. Des études montrent que cette manière de penser peut augmenter la culpabilisation et le sentiment de honte, qui conduisent à des cycles de privation et de suralimentation pour compenser. La classification des aliments et les régimes dont elle provient entravent le maintien du poids naturel beaucoup plus qu’ils n’aident.

Le stress et l’anxiété liés à ces régimes et à cette approche peuvent également nuire à l’humeur et réduire la qualité de vie.

Quelle est la meilleure approche envers les aliments?

Il est souhaitable de prendre un pas de recul pour voir la forêt plutôt que l’arbre. Ce n’est pas l’aliment qui compte, c’est l’alimentation.

Plutôt que de diaboliser ou d’encenser certains aliments, il est plus constructif de se concentrer sur la variété et l’équilibre. L’alimentation saine est un travail d’équipe entre les aliments qui se partagent les rôles principaux et secondaires, tout en ayant chacun une place.

Cette approche permet d’intégrer une variété d’aliments sans culpabilisation. Elle favorise une relation positive avec la nourriture. Ce sont des concepts de l’alimentation intuitive, dans laquelle l’écoute des envies et des besoins remplace les règles alimentaires rigides.

Pour être saine, l’alimentation correspond à une approche flexible qui tient compte non seulement de la valeur nutritionnelle, mais aussi de multiples autres facteurs: le plaisir, le goût, le budget, les valeurs, les traditions, la disponibilité, la vie familiale, etc. C’est simple: il y a autant de variantes de la saine alimentation qu’il y a de personnes.


Merci à Stéphanie Côté, nutritionniste, pour la rédaction de cet article.

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