L’idée de laisser tomber tous ces calculs peut faire peur et sembler contre-intuitive lorsqu’on désire prendre soin de sa santé. Toutefois, adopter ce changement fait le plus grand bien à de nombreuses personnes. En effet, les calculs peuvent nous faire sentir qu’on a le contrôle… jusqu’à ce qu’on perde le contrôle. Et c’est là que la culpabilisation se pointe le bout du nez. Ce cercle vicieux de contrôle et de perte de contrôle est un terreau fertile pour le développement d’une relation malsaine avec la nourriture et, parfois, d’un trouble alimentaire.
Voici 3 solutions de rechange aux mesures afin de garder la santé sans tout mesurer*.
1. Des proportions, pas des portions
Avez-vous remarqué comment le Guide alimentaire canadien paru en 2019 a abandonné son tableau de portions recommandées et l’a remplacé par l’assiette équilibrée? Plutôt que de proposer des portions mesurables, l’assiette équilibrée illustre des proportions pour chaque groupe d’aliments. En effet, elle suggère de remplir:
- la ½ de notre assiette de légumes et fruits;
- le ¼ de grains entiers (riz, quinoa, blé entier…);
- le ¼ d’aliments protéinés (légumineuses, tofu, œufs, viande…).
Ce n’est pas par hasard. Avez-vous déjà fait l’exercice de calculer combien de portions de chaque groupe alimentaire se trouvent dans une lasagne aux légumes? C’est loin d’être évident. Le concept de proportions est beaucoup plus facile à adopter. Un coup d’œil dans notre assiette et nous avons une idée approximative. C’est beaucoup plus pratique dans le quotidien!
Est-ce que ça signifie qu’il faut TOUJOURS respecter les proportions de l’assiette «modèle»? Bien sûr que non. C’est une recommandation pour notre alimentation en général. Notre dîner pourrait manquer de légumes en proportion, puis on compenserait par une collation de crudités en après-midi. Et si une journée est déséquilibrée, on ne s’en fait pas avec ça. C’est ce qu’on fait la majorité du temps qui compte.
Enfin, le concept des proportions se personnalise beaucoup mieux en fonction de nos besoins individuels que le concept de portions. Est-ce que toutes les femmes de 19 à 50 ans devraient manger exactement la même chose tous les jours? Pas du tout. Non seulement nos besoins en nutriments varient d’une personne à l’autre selon plusieurs facteurs tels que le sexe, l’âge, la masse musculaire, mais les besoins varient également d’une journée à l’autre selon nos activités quotidiennes et notre mode de vie (activité physique, stress, etc.). Nos signaux de faim et de satiété sont nos meilleurs guides pour déterminer la grosseur de notre assiette. Si, malgré tous les trucs, vous avez de la difficulté à ressentir et à comprendre vos signaux, consulter une nutritionniste pourrait vous aider à vous reconnecter à votre corps.
L’impact de notre environnement alimentaire
Se fier à nos signaux internes (faim, satiété) plutôt qu’à des indicateurs externes (ex.: terminer son assiette) va nous aider à manger à notre faim sans dépasser la limite de notre confort. Toutefois, plusieurs facteurs influencent nos décisions alimentaires. Nous savons que lorsque la portion qui se trouve dans notre assiette est plus grosse, nous avons tendance à manger davantage. Ainsi, il peut être difficile d’écouter nos signaux au restaurant, où les portions sont souvent plus grandes que celles que l’on se servirait à la maison! L’industrie est super habile pour nous faire dépenser davantage. Par exemple, une portion jumbo pourrait être quelques dollars de plus qu’une portion «normale», ce qui semble rentable du point de vue du coût par portion. Cependant, si on n’a pas faim pour tout manger, ce n’est pas une bonne affaire.
2. Du plaisir, pas des nutriments
Ça ne fait aucun doute: avoir des connaissances de base en nutrition donne un avantage considérable quand il est temps de planifier nos repas et collations. Par exemple, il est utile de savoir que les protéines et les fibres de notre salade de légumineuses contribuent grandement à nous soutenir pour notre après-midi au bureau, tandis que les sucres des fruits sont parfaits pour nous donner un regain d’énergie avant une activité physique.
Cela étant dit, il n’est absolument pas nécessaire de calculer en détail les grammes de protéines, de glucides et de lipides (gras) ingérés pour manger équilibré. Se fier aux proportions de l’assiette équilibrée nous donne un bon point de départ, puis notre satisfaction peut également servir de guide.
Avez-vous déjà remarqué que manger une belle salade colorée remplie de légumes pour dîner peut vous laisser sur votre faim? Si on y ajoute un pavé de saumon et du couscous de blé entier, on se sentira déjà plus rassasié! Bien souvent, un repas incomplet va affecter notre niveau d’énergie par la suite. Si le repas nous laisse sur notre faim, cela peut aussi affecter notre satisfaction. Ainsi, être à l’écoute de notre corps peut nous indiquer quels ajustements nous avons besoin de faire à nos repas, ou si nous devrions ajouter une collation à l’horaire.
Pour finir, rappelez-vous que manger des aliments qu’on aime contribue également à notre satisfaction alimentaire.
Découvrez la satisfaction alimentaire
3. Une saine image corporelle, pas le poids
En 2022, se fier au poids seulement pour évaluer la santé de quelqu’un, c’est dépassé! Effectivement, le poids sur la balance ne prend pas en considération la composition corporelle de la personne. Saviez-vous que la masse musculaire est plus lourde que la masse graisseuse? Cela signifie que si vous commencez un entraînement musculaire demain matin, après un certain temps, votre corps construira du muscle et, ultimement… vous risquez de peser plus lourd. Va-t-on vous recommander de perdre du poids afin de réduire votre indice de masse corporelle (IMC)? Bien sûr que non. D’ailleurs, l’IMC est un outil controversé et il ne devrait pas être utilisé pour qualifier la santé de quelqu’un.
Développer une saine image corporelle est plus bénéfique pour notre bien-être et notre santé que de viser un chiffre sur la balance. En effet, la saine image corporelle fait référence à la relation qu’on entretient avec notre corps et notre image, indépendamment de notre poids. Une personne qui a une relation corporelle positive voit son corps tel qu’il est et avec bienveillance. Elle ne ressent pas de la honte envers lui et n’essaie pas de le modifier en lui imposant une diète restrictive sévère (ex.: régime à la soupe au chou!) ou en s’entraînant de façon excessive. Une image corporelle positive favorise une meilleure estime de soi et une meilleure santé physique et mentale.
Pratiquer la gratitude pour tout ce que notre corps peut accomplir (actions, sensations, etc.) et consulter un professionnel de la santé spécialisé dans le domaine (nutritionniste, psychologue) peut aider à améliorer un trouble de l’image corporelle.
En conclusion: laissons tomber les calculs compliqués en lien avec les portions d’aliments, les nutriments qu’ils contiennent et notre poids, et reconnectons-nous à notre corps pour améliorer notre santé physique et mentale.
S’inspirer de l’assiette équilibrée pour composer nos repas et se fier à nos signaux de faim et satiété quand vient le temps de manger nous permet de répondre à nos besoins selon nos activités quotidiennes. Une saine image corporelle nous permet d’être bien dans notre corps, et dans notre tête.
Enfin, vous êtes l’expert de votre propre corps. Faites quelques tests, et vous verrez par vous-même ce qui fonctionne ou non. Si vous sentez le besoin d’être accompagné, n’hésitez pas à demander de l’aide (nutritionniste, psychologue).
Merci à Marie-Ève Caplette, nutritionniste, pour la rédaction de cet article.