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Superaliment ou supermarketing?

30 mai 2023

Stéphanie Côté

Stéphanie Côté

Nutritionniste, auteure, conférencière et chroniqueuse

Temps de lecture 3 minutes
Le mot «superaliment» n’est pas défini et encore moins réglementé. Il est toutefois très populaire. Trop, même. La nutritionniste Stéphanie Côté rétablit les faits.



Qu’est-ce qu’un «superaliment»?

«Superaliment» est une étiquette attribuée à un aliment qui a une grande valeur nutritive et qu’on tente de faire passer pour magique pour la santé. Le chou frisé (kale), le curcuma, les graines de chia, la baie de goji, le chocolat noir, par exemple, qui sont riches en antioxydants ou en bons gras oméga-3, ont tous eu leur heure de gloire au panthéon des superaliments.

On veut croire aux miracles

Dire des aliments qu’ils ont une bonne valeur nutritive ne semble pas assez. On leur attribue des vertus parce que ça nous fait du bien de croire qu’ils peuvent être «anticancer» ou «antivieillissement». La santé et la jeunesse éternelles nous ont toujours fait rêver.

Le concept de superaliment comporte des risques, car il incite à manger certains aliments à répétition au détriment de la variété et parfois même du plaisir. Non, le curcuma n’est pas bon dans toutes les recettes. La fascination pour certains aliments nous fait oublier la plus grande certitude en nutrition: une alimentation variée et équilibrée est une approche reconnue pour favoriser la santé et prévenir les maladies. Ça, c’est sans compter que le statut de superaliment fait monter les enchères. Un prix cher payé pour des promesses exagérées.

Exagération et déformation

Pourquoi y a-t-il régulièrement de nouveaux aliments qui remportent le titre de superaliments? D’abord parce qu’il y a des modes. On apprécie toujours la nouveauté, qui alimente les discussions! «Savais-tu la dernière?», «J’ai entendu dire que…», et même «Je sais ce qui peut régler ton problème!» surgissent çà et là.

Aussi, les scientifiques font régulièrement des découvertes sur les effets potentiels de tel antioxydant, de telle vitamine, de telle fibre, tel bon gras, etc. Il arrive souvent de voir des journaux et autres médias, ainsi que des entreprises alimentaires, utiliser les résultats des études à leur avantage. Un titre accrocheur, un argument de vente sensationnel, c’est vendeur. Le problème est que ça se fait de manière précipitée et exagérée, ça devient de la mésinformation. Les allégations des «superaliments» ne sont pas appuyées par la science. C’est une lubie.

Des clics et des J’aime

Les médias sociaux, engagés dans des combats de clics, contribuent à la popularité et au mythe des superaliments plus efficacement que les médias traditionnels ne l’ont jamais fait. Les influenceurs et influenceuses qui partagent leurs «secrets» santé et beauté attirent l’attention. Gwyneth Paltrow a de la concurrence. Ces vedettes des réseaux sociaux ne sont pas spécialistes en alimentation, et pourtant, ce sont de véritables gourous et gouroues modernes. Une vidéo pour présenter leur cure au jus de céleri devient virale et cela suffit à faire passer ce légume au rang de trésor national… avec son prix qui augmente en conséquence!

L’alimentation, un supertravail d’équipe!

Aucun aliment ne garantit la santé. Bien sûr, il y a des aliments plus nourrissants que d’autres. Mais pas de là à leur accorder des vertus miraculeuses ni même leur accorder une place démesurée dans votre alimentation. Du chou frisé (kale), c’est bon. Mais mangez du chou à tous les repas au détriment d’autres légumes et vous aurez de sérieuses carences.

Chaque aliment a ses forces. Aucun n’est complet. Les aliments font un travail d’équipe. Comme pour une équipe de sport: elle a beau avoir le meilleur gardien ou la meilleure gardienne de la ligue, elle ne fera pas les séries si cette personne est seule sur le terrain. L’interaction entre les aliments, comme entre des joueurs et joueuses, est encore plus bénéfique que les qualités individuelles prises isolément. L’idée est bien sûr de privilégier des aliments nutritionnellement intéressants si on veut une équipe gagnante pour sa santé. D’un point de vue nutritionnel, c’est la meilleure formule. Point de vue goût aussi, parce que varier les saveurs, les textures, les couleurs renouvelle le plaisir de manger bien mieux que si on mange toujours la même chose.

Mangez du chou frisé (kale), du curcuma, des graines de chia, des baies de goji et du chocolat noir si vous en avez envie. N’espérez pas de miracles de leur part, cela dit. Car des superaliments, ça n’existe pas. Des aliments super intéressants, ça oui.

Envie d’en savoir plus sur les superaliments?

Marie-Christine Proulx en discute avec la nutritionniste Stéphanie Côté dans notre balado.

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Merci à Stéphanie Côté, nutritionniste, pour la rédaction de cet article.

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