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Le deuil: comment le vivre pour s’en sortir?

15 mars 2022

Nathalie Parent

Nathalie Parent

psychologue

Temps de lecture 5 minutes
Un deuil, qu’il soit associé au décès d’un proche ou à un autre événement, chamboule notre vie et nous fait vivre toutes sortes d’émotions. La psychologue Nathalie Parent nous donne des conseils pour passer au travers.

Enfin assise à lire son livre après une journée sans pause, Marie respire profondément. La sonnerie de son téléphone la sort de son calme intérieur. Se demandant qui peut bien l’appeler à cette heure tardive, elle regarde l’écran et reconnaît le numéro. Son cœur s’accélère, pressentant une mauvaise nouvelle. À l’autre bout, elle entend: «Marie, papa est mort!» Marie est sous le choc. Elle savait que le temps était compté pour son père âgé, puisqu’il allait moins bien depuis plusieurs semaines. Mais ces quelques mots prononcés par son frère résonnent dans sa tête, comme s’il était impossible que son père ne soit plus en vie. Elle savait comme tout le monde que cela allait arriver un jour. Mais son cœur ne l’avait pas encore ressenti ni compris. Vivre la mort d’un proche, peu importe l’âge et même si la distance prend le dessus sur la relation, c’est toujours un bouleversement intérieur.

Que veut dire «deuil»?

Le deuil est souvent associé au décès de quelqu’un. Mais le processus de deuil peut aussi s’enclencher à différents moments dans la vie:

  • à la fin d’une relation d’amitié;
  • à la mort d’un animal de compagnie;
  • après une fausse couche;
  • au départ des enfants de la maison;
  • lors d’un déménagement, d’une séparation ou même d’un changement d’emploi.

Évidemment, le processus sera différent selon l’événement et selon chaque personne. Et le remaniement intérieur que peut engendrer un deuil n’aura pas la même intensité d’un cas à l’autre. Quoique certains événements peuvent nous surprendre et faire remonter des deuils passés en nous forçant à les revisiter.

Le deuil et les émotions

Peu importe la raison derrière le deuil, les émotions engendrées doivent trouver un espace pour être vécues. L’être humain est ainsi fait qu’il cherche naturellement à fuir ce qui le fait souffrir et à aller vers le plaisir. Certains mécanismes sont à l’œuvre lors d’un deuil afin d’éviter de sentir la perte ou les émotions désagréables. Par exemple, on peut s’étourdir par plein d’activités ou se lancer dans des projets pour éviter de ressentir la peine. Mais ce qu’on cherche à fuir intérieurement risque de nous rattraper tôt ou tard. C’est un peu comme marcher avec une blessure à la jambe et faire semblant qu’il n’y en a pas; on a beau essayer d’y échapper, la douleur et la blessure ne disparaîtront pas par magie. Ou encore, si une fissure s’installe dans la fondation de la maison et qu’on ne s’en occupe pas; tout dépendant de l’importance de la fissure, on risque de se lever un matin et de se retrouver les deux pieds dans l’eau.

Il est donc important de s’accorder du temps pour vivre son deuil. Plusieurs moyens existent pour favoriser le processus de deuil. Les trucs concrets nous aident, nous rassurent, nous donnent le sentiment d’avoir du pouvoir sur la situation, de lutter contre le sentiment d’impuissance. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. La conscience de ce qu’on vit, de notre ressenti, est un allié puissant pendant le processus de deuil. Se voir aller, comprendre nos actions en lien avec nos émotions, nous aident à aller vers l’acceptation.

Attitudes et émotions liées au deuil

Plusieurs auteurs ont parlé de phases du deuil ou de mouvements intérieurs, d’attitudes, liés au processus de deuil. En voici quelques-uns qui peuvent survenir, dans l’ordre ou le désordre, et parfois en même temps.

Le choc 

Comme Marie dans l’histoire du début. Il s’agit du moment où on constate ce qu’on perd, qu’il s’agisse d’un emploi, d’un être cher, etc. Plus la perte est inattendue et brutale, plus le choc est intense.

Le déni et les habitudes

Avoir l’impression que c’est impossible, que ce n’est pas arrivé, ou encore faire un geste comme lorsque la personne était vivante pour finalement se rappeler qu’elle n’est plus là (attendre son appel, placer son couvert à la table, dire son nom en entrant dans la maison, etc.).

La colère – révolte (accompagné de sentiment de culpabilité)

Se fâcher contre la situation ou la personne décédée, revoir dans sa tête ce qui aurait pu être fait autrement. «J’aurais donc dû», «Qu’est-ce que j’ai fait ou pas qui aurait pu changer la situation», etc.

La tristesse – déprime

Être habité par la tristesse, les larmes qui montent, parfois être surpris par l’émotion en regardant une photo, un film ou en entendant une musique. Par moments, on peut avoir le goût de ne rien faire, de rester au lit toute la journée. Ici, la déprime est passagère et les émotions qui y sont associées ne durent pas, à la différence de la dépression.

L’acceptation – réorganisation

Après un certain temps vient une période un peu plus calme sur le plan des émotions, dans laquelle on accepte que la vie continue sans la personne disparue. Notre réseau social s’est réorganisé, le deuil est d’avantage intégré en soi. On peut ressentir de la tristesse, mais elle est contrebalancée par de bons souvenirs. Ce processus peut prendre jusqu’à deux ans avant de s’amorcer. L’intensité des émotions diminue avec le temps, la souffrance s’atténue.

Certains sentiments forts désagréables qui nous placent dans un état de vulnérabilité, tels l’impuissance, la rivalité et la honte, peuvent être ravivés lors d’un deuil. Ces sentiments peuvent nécessiter un soutien thérapeutique, c’est-à-dire un besoin d’être accompagné par un psychologue afin de s’en libérer. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide.

Des moyens concrets pour favoriser le deuil

Vous avez sûrement déjà entendu cette phrase, qui en fait fâcher ou en décourage plusieurs lorsqu’elle est dite dans un moment de souffrance: «Tu vas voir, le temps va arranger les choses.»

Le processus de deuil est long et la personne endeuillée doit se donner du temps et de l’espace pour le vivre. Rien ne sert de le forcer, c’est plutôt dans le laisser-aller qu’il se fera, chacun à son propre rythme.

D’autres actions plus concrètes peuvent aider. En voici quelques-unes.

Écrire

L’écriture spontanée permet de laisser sortir nos émotions et de prendre conscience de la situation. Il peut s’agir d’écrire à la personne décédée ce qu’on aurait aimé lui dire.

Dessiner, peindre

Un dessin ou une peinture spontanée sont d’autres moyens d’expression créatrice qui ont un effet libérateur.

Faire du sport

Certains utiliseront le sport pour décharger leur colère, leur révolte ou d’autres émotions.

Écouter ou jouer de la musique

Écouter une musique ou danser peut aider à extérioriser ses émotions. Composer une pièce musicale pour la personne décédée ou sur le thème du deuil peut aussi favoriser ce dernier.

Parler à quelqu’un

Que vous vous confiiez à une personne de la famille, à un ami, à un médecin, à un psychologue ou à un groupe d’endeuillés, la parole est libératrice.

Poser un geste symbolique

Planter un arbre en souvenir de la personne décédée pour symboliser que la vie continue. Faire une cérémonie d’adieu. Poser un geste que la personne aimait, par exemple lever son verre (un, pas plusieurs ;-)) ou encore danser sur la musique qu’elle préférait. S’investir dans une cause qu’elle soutenait (fondation, levée de fonds) ou donner des conférences sur le sujet. Raconter son histoire…

Réfléchir et se poser les questions suivantes:

  • Qu’est-ce que j’apprends sur moi à travers ce deuil?
  • Qu’est-ce que je veux garder en moi de cette personne et de la relation que j’ai eue avec elle?
  • Comment est-ce que j’envisage l’avenir maintenant? Ai-je des projets futurs?

En conclusion, j’aime bien répéter une phrase qui résume le deuil et tout le processus que cela implique. Elle vient du défunt psychanalyste Guy Corneau: «Pour se sortir d’un deuil, il faut accepter d’y entrer.» Je vous laisse méditer là-dessus…

Ressources

Info-Social 811

Service gratuit de consultation téléphonique psychosociale 24/7

Composez le 811

 

Ligne d’écoute sur le deuil

Service gratuit, accessible 365 jours par année, de 10 h à 22 h

1 888 LE DEUIL (533-3845)

 

Maison Monbourquette

Soutien aux personnes endeuillées

www.maisonmonbourquette.com

 

Ordre des psychologues du Québec

Pour trouver un psychologue ou un psychothérapeute dans votre région

www.ordrepsy.qc.ca/trouver-de-aide

 

Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Deuil – Des ressources pour mieux le vivre

Merci à Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière, pour la rédaction de cet article. 

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