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L’heure avancée a-t-elle des effets sur notre santé?

21 février 2023

Temps de lecture 4 minutes
L’heure avancée a-t-elle des effets sur notre santé?
L’heure d’été est de retour! On se sent toujours un peu fébrile au moment d’avancer l’heure au printemps. Il faut dire qu’après les longs mois d’hiver, avoir plus de clarté nous rend de bonne humeur! Mais quels sont les effets sur notre sommeil et notre santé? On en discute avec le chercheur Joseph De Koninck.
Q
Est-ce que le changement d’heure du printemps nuit à notre sommeil?
R

Oui, car le passage de l’heure normale à l’heure avancée perturbe notre rythme circadien naturel (c’est-à-dire notre cycle veille-sommeil). Il s’agit de notre horloge biologique ou interne qui règle le cycle de 24 heures sur lequel fonctionne notre organisme et qui est influencé par la lumière du matin et l’obscurité du soir. Ce cycle permet à notre corps de savoir quand il est temps de dormir et quand il est temps de se réveiller. Lorsque ce cycle est modifié, on se sent moins alerte et une insomnie – temporaire – peut survenir.

Q
Comment l’heure avancée affecte-t-elle notre santé?
R

Le changement d’heure au printemps entraîne une privation de sommeil dès sa mise en place, et il impose en plus une obscurité plus tardive pendant l’été. Cette obscurité tardive favorise le retardement de l’heure du coucher, ce qui fait que nos activités sont aussi décalées. Le résultat est ce que les scientifiques appellent le «décalage horaire social» et une désynchronisation de notre horloge biologique ou interne.

Le manque de sommeil affecte également notre vigilance. Des études font état d’une augmentation des accidents du travail et des accidents de la circulation, principalement lors du passage à l’heure d’été au printemps, et l’attribuent au manque de sommeil, tout comme la baisse de productivité qu’on peut noter.

Cela peut aussi entraîner des problèmes de santé plus graves. Des études mentionnent un risque légèrement plus élevé d’incidents cardiaques lors des changements d’heure au printemps et à l’automne, mais la plupart d’entre eux se produisent au printemps, lors du passage à l’heure avancée.

Q
Certaines personnes ressentent-elles plus que d’autres les effets de l’avancement de l’heure sur leur sommeil?
R

Des perturbations importantes du sommeil peuvent survenir dans tous les groupes d’âge, pendant plusieurs semaines. À l’adolescence, les jeunes semblent particulièrement y être sensibles, puisqu’ils manquent en général déjà de sommeil. Les personnes âgées, plus habituées à des horaires fixes et à un sommeil court, sont aussi susceptibles de subir plus intensément ce changement d’heure.

Alors que de nombreuses personnes s’adaptent aux changements d’heure en quelques jours, d’autres ont plus de mal à y arriver, surtout lors du passage à l’heure d’été. En fait, les personnes ayant un chronotype du soir (15 % des gens fonctionnent mieux le soir) sont les plus touchées par l’heure d’été. Les personnes qui ont des troubles du sommeil, comme l’insomnie chronique, des emplois aux horaires irréguliers ou des problèmes de santé mentale ressentiront davantage de sautes d’humeur, de fatigue et de somnolence.

Q
Comment limiter les répercussions du changement d’heure sur notre sommeil ce printemps?
R

Dans les jours et les semaines précédant le changement d’heure, on peut s’y préparer en prenant les cinq précautions suivantes:

1. Adopter une bonne hygiène de sommeil

De façon générale, il est idéal de maintenir le même horaire de sommeil la semaine et la fin de semaine. On adopte une routine pour se préparer à aller au lit chaque soir. On évite les écrans une heure avant de se coucher.

2. Éviter d’accumuler une dette de sommeil

Une bonne façon de se préparer au passage à l’heure avancée consiste à avoir un sommeil de qualité au cours des nuits précédant le changement d’heure. Si on arrive au week-end où l’on adopte l’heure d’été en ayant déjà une dette de sommeil, on ressentira davantage d’effets négatifs.

3. Modifier progressivement notre heure de coucher

Une semaine avant le passage à l’heure avancée, les spécialistes du sommeil recommandent de se coucher une dizaine de minutes plus tôt que d’habitude chaque jour afin que le soir du changement, on puisse s’endormir une heure plus tôt.

4. Passer du temps à l’extérieur

La lumière naturelle est un élément moteur de nos rythmes circadiens. L’exposition à la lumière du soleil, surtout en matinée, peut atténuer, pendant la journée, la sensation de fatigue qui accompagne souvent les changements d’heure.

5. Faire la sieste si nécessaire

Les personnes qui souffrent d’un manque de sommeil en raison de l’heure avancée peuvent faire une courte sieste d’une vingtaine de minutes en début d’après-midi. Les longues siestes ou celles en soirée peuvent être très nuisibles au sommeil de nuit.

Q
Pourquoi entend-on autant parler de l’abolition du changement d’heure?
R

Ce changement d’heure, initialement mis en place pour des raisons d’économie d’énergie, provoque chez de nombreuses personnes une multitude d’effets secondaires puisqu’il nécessite une resynchronisation de notre horloge biologique. On se demande donc de plus en plus si le jeu en vaut la chandelle et si l’heure normale devrait être mise en place de façon permanente.

Avec l’heure normale en hiver au Canada, le soleil se lève dans la plupart des grandes villes canadiennes vers 7 h 45 et se couche vers 16 h 15. Si on gardait l’heure avancée en hiver, le soleil se lèverait à 8 h 45 pour se coucher à 17 h 15. On pourrait penser que cette heure supplémentaire d’ensoleillement en après-midi est bénéfique, mais ce n’est pas le cas. Se réveiller dans l’obscurité et se rendre au travail ou à l’école le matin sans être exposé à la lumière du jour, ce n’est pas l’idéal. C’est pour cela que les spécialistes s’opposent à l’utilisation de l’heure avancée à longueur d’année au Canada surtout.

Si on décidait de garder les changements d’heure, ce serait bien qu’ils aient lieu au début du mois d’avril et du mois d’octobre. Ils se produiraient plus près des équinoxes et devraient être moins perturbants, puisque la lumière du jour et l’obscurité seraient d’une durée plus égale. On pourrait aussi changer l’heure le vendredi soir au lieu du samedi soir, ce qui nous donnerait plus de temps pour nous adapter avant le retour aux activités quotidiennes du lundi.

Merci à Joseph De Koninck, professeur émérite à l’École de psychologie à l’Université d’Ottawa et membre de l’Institut de la recherche sur le cerveau, pour sa participation à cet article.

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