Faire chambre à part suscite souvent de vives réactions. C’est pourtant répandu. Ce serait même au moins 30 % des couples qui auraient pris cette décision1! Et pour beaucoup, c’est une pratique qui s’est avérée la bonne solution pour préserver l’harmonie amoureuse. La psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier explore les bénéfices et les inconvénients potentiels liés à cette décision ainsi que des solutions pour tenter d’y remédier.

Qu’il s’agisse de dormir dans un lit distinct ou dans une pièce séparée, ce choix peut être vu comme un signe de désunion du couple, comme si les deux partenaires ne s’aimaient plus, se détachaient peu à peu et risquaient de se séparer. C’est aussi de cette façon que plusieurs personnes peuvent percevoir la suggestion initiale de leur partenaire de faire chambre à part. «Si ma douce moitié me demande de dormir dans une chambre séparée, c’est qu’elle ne me désire plus, ne m’aime plus!» Mais est-ce nécessairement le cas?

Les bénéfices pour notre couple quand on fait chambre à part

1. Amélioration de la qualité du sommeil

Lorsque notre partenaire ronfle, bouge durant son sommeil, émet des sons, ou a des horaires de sommeil décalés des nôtres, on risque de se faire réveiller fréquemment et de vivre des épisodes d’insomnie. Chaque personne a des sensibilités différentes à ces éléments.

Les complications amenées peuvent toucher les deux partenaires. Par exemple, la personne qui entend ronfler ne dort pas bien, essaie, pour arrêter le ronflement, de «rouler» l’autre sur le côté, qui voit à son tour son sommeil affecté!

Différentes solutions peuvent d’abord être examinées avant de penser à faire chambre à part. Par exemple, si une personne bouge dans le couple, il est possible de tester 2 matelas indépendants dans un même lit ou un matelas à ressorts ensachés ou encore d’installer 2 lits distincts dans la même chambre. Ou si une personne a facilement trop chaud la nuit, une solution consiste à utiliser 2 couvertures différentes pour que chaque partenaire puisse maintenir une température agréable.

Qu’il s’agisse d’adopter l’une de ces solutions ou de faire chambre à part, un sommeil réparateur permet une meilleure santé physique et psychologique (une meilleure humeur), ce qui limite les tensions qui peuvent écorcher le couple et améliore donc la qualité de la relation.

2. Conservation de sa liberté personnelle

Faire chambre à part permet à chaque partenaire d’avoir son espace personnel et de pouvoir aménager son havre nocturne à sa façon. Imaginons des situations potentiellement conflictuelles comme:

  • L’une des deux personnes veut garder la lumière allumée pour lire alors que l’autre veut dormir;
  • L’une des deux personnes aime que l’endroit soit épuré pour favoriser son sommeil, alors que l’autre a tendance à laisser traîner ses vêtements et objets.

Quand on a notre espace personnel, on peut faire ce qu’on aime avant de dormir, à notre rythme, et ainsi avoir un plus grand sentiment d’autonomie.

3. Soutien de l’intimité

La distance occasionnée en ne se côtoyant pas constamment peut créer le désir de se voir et favoriser la spontanéité plutôt que la routine. Sachant que chaque membre du couple dormira dans son espace, on en vient à «s’inviter» ou à se donner rendez-vous pour se rejoindre. Chaque interaction de couple devient précieuse. Rien n’empêche, aussi, de passer un bout de nuit ensemble et de regagner son lit plus tard!

Faire chambre à part: les inconvénients possibles pour notre couple

1. Éloignement émotionnel et sexuel

Le fait que chaque membre du couple soit de son côté peut mener dans certains cas à partager moins d’intimité et de proximité. Il peut s’ensuivre une perte de lien affectif, un éloignement relationnel ou un certain désintérêt sexuel.

Solutions potentielles pour éviter l’éloignement

  • On s’assure de planifier des moments satisfaisants ensemble, de plaisir, de détente et de partage d’intimité durant la journée. Ça peut aussi être le soir avant de regagner sa chambre.
  • Chaque membre du couple peut aller border l’autre un soir sur deux. C’est important d’alimenter le lien avec son ou sa partenaire.
  • On reste à l’affût également de l’éloignement potentiel; on le nomme à l’autre si on le ressent pour s’ajuster.

2. Jugement social

Faire «chambre commune» est un modèle social classique. Et comme faire chambre à part équivaut dans l’imaginaire collectif à l’annonce de la fin de l’amour, il peut y avoir une certaine stigmatisation, des jugements et de l’incompréhension de la part des gens dans notre entourage, ce qui peut nous mener à un sentiment d’isolement.

Solutions potentielles face au jugement des autres

  • On en discute en couple pour s’assurer qu’on partage la même vision et qu’on est à l’aise avec le fait de faire chambre à part. C’est le plus important, au-delà du regard extérieur des gens (qui ne font pas partie du couple!).
  • On lit sur le sujet pour normaliser la situation. On parle avec des couples de notre entourage qui font déjà chambre à part de leur expérience pour apprivoiser peu à peu cette réalité et constater que notre couple n’est pas le seul dans cette situation.
  • Si nos proches s’inquiètent ou nous questionnent (y compris nos enfants, qui peuvent craindre qu’on soit en train de vivre une crise de couple), on leur explique simplement le pourquoi de cette décision.

3. Évitement de problèmes relationnels ou sexuels dans le couple

Faire chambre à part est parfois une décision prise en réaction à des problèmes relationnels ou sexuels au sein du couple. Les chicanes et les problèmes sur le plan de la sexualité ne se règlent pas en s’éloignant de notre partenaire. Au contraire, ils peuvent être exacerbés.

Solutions potentielles face aux problèmes relationnels

  • On prend un moment avant de regagner nos chambres pour parler ensemble de ce qui nous tracasse ou nous affecte si c’est le cas. À tout le moins, on reconnaît qu’il y a un problème entre nous et on convient d’en reparler le lendemain.
  • On peut ne pas toujours s’entendre sur le coup; il est normal d’être en désaccord. L’important est avant tout de nommer le problème. Idéalement, on tient cette discussion en dehors des chambres. La chambre doit rester un endroit de calme, de repos, de complicité et d’intimité.

Chambre à part: on teste en couple!

Si on hésite à faire chambre à part, on peut essayer de dormir chacun ou chacune de son côté une nuit de temps en temps, puis quelques nuits par semaine. On voit alors comment on se sent. Rien n’empêche de refaire chambre commune avec le temps si on voit que ce modèle ne nous convient pas.

L’essentiel est de garder une bonne communication avec notre partenaire. Faire part de ses inquiétudes à faire chambre à part, face à l’éloignement possible qui peut se créer ou face à son besoin de plus grande proximité au quotidien permet de s’ajuster et de garder le lien amoureux vivant. Gardons en tête que l’amour ne passe pas nécessairement par le fait de dormir dans le même lit!


Merci à la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier pour la rédaction de cet article.


Source
1. Rogojanski, J., Carney, C. E., Monson, C. M. (2013). Interpersonal factors in insomnia: A model for integrating bed partners into cognitive behavioral therapy for insomnia. Sleep Medicine Reviews, 17 (1), 55-64.
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